La tragique paralysie des Nations unies
syrie
Le secrétaire général Ban Ki-moon continue d’appeler à une solution dans le cadre de la légalité internationale. Des frappes, selon lui, compliqueront le rétablissement de la paix

Comme un Sisyphe de la paix mondiale, Ban Ki-moon continue d’asséner inlassablement son message dans les capitales. La solution à la tragédie syrienne passe par le Conseil de sécurité et le respect de la Charte des Nations unies. Mardi, à New York, avant de partir pour le sommet du G20 à Saint-Pétersbourg, où il espère pouvoir convaincre les puissances présentes d’agir en acteurs responsables, le secrétaire général de l’ONU a mis une nouvelle fois en garde contre une action militaire en Syrie qui pourrait avoir un impact négatif sur les efforts visant à rétablir la paix.
«Le Conseil de sécurité est l’instance chargée d’apporter une réponse» à une attaque chimique. «Le problème, a poursuivi Ban Ki-moon, dépasse le seul conflit en Syrie. Il en va de notre responsabilité commune envers l’humanité.» Le numéro un de l’ONU, qui a qualifié «d’horrible et de possible crime de guerre» l’attaque chimique perpétrée le 21 août dernier près de Damas, s’est néanmoins gardé de préciser quel type de réponse l’ONU pourrait donner. Mais il a souligné que ses auteurs devront «être traduits en justice».
Il est peu probable que la mission que l’ONU a menée en Syrie pour vérifier s’il y a bien eu usage d’armes chimiques livre ses conclusions avant un vote du Congrès américain. Hier, Ban Ki-moon a précisé qu’il avait demandé à son équipe de 13 experts, sous la responsabilité du Suédois Aake Sellström, d’accélérer les procédures sans toutefois mettre en péril le sérieux scientifique des analyses. Une équipe qui travaille vingt-quatre heures sur vingt-quatre et qui a dû essuyer les tirs de tireurs isolés quand elle était en Syrie. Les échantillons prélevés près de Damas ne seront remis aux laboratoires concernés que ce mercredi. Interpellé sur la question, le secrétaire général de l’ONU n’a pas souhaité préciser pourquoi le mandat de la mission n’autorisait pas les experts à enquêter sur les auteurs présumés des attaques chimiques, mais ne leur permet que de déterminer s’il y a eu utilisation d’armes chimiques ou non.
Depuis le début du conflit en Syrie, les appels de Ban Ki-moon à une solution diplomatique restent pour l’heure lettre morte. Le Congrès américain est en train de débattre afin d’autoriser le président des Etats-Unis à mener des frappes contre des objectifs militaires en Syrie. «J’apprécie les efforts de Barack Obama visant à obtenir le plus d’opinions possibles, en particulier celle du Congrès», a-t-il déclaré. Mais dans le même temps, le secrétaire général de l’ONU a appelé les puissances régionales et mondiales à redoubler d’efforts pour convoquer au plus vite la conférence dite de Genève 2.
L’engagement sincère du numéro un des Nations unies est toutefois à la mesure de l’impuissance de l’ONU dans la guerre civile syrienne. Depuis le début des hostilités, en mars 2011, le Conseil de sécurité n’a jamais joué son rôle de garant de la paix mondiale en activant le chapitre VII de la Charte. En Syrie, les intérêts des grandes puissances américaine, russe et chinoise sont trop importants pour ne pas entrer en collision. Voici quelques jours, les Britanniques ont tenté une dernière fois, en vain, de faire bouger les fronts au sein des cinq membres permanents du Conseil de sécurité en proposant une résolution condamnant l’usage, par la Syrie, d’agents chimiques interdits.
La sécurité collective fonctionne, soulignent plusieurs diplomates à New York, seulement quand les théâtres de conflit ne concernent pas la sphère d’influence directe d’un des cinq membres permanents. La faillite de l’ONU, dans le cadre de la Syrie, rappelle le cas de l’Irak en 2003 ou du Kosovo au printemps 1999 quand l’OTAN est intervenue hors de toute légalité internationale.
Aujourd’hui, le Conseil de sécurité est paralysé par les veto systématiques de Moscou et Pékin, ne parvenant même pas à s’entendre sur une condamnation orale de Damas. Face à cet immobilisme, l’Assemblée générale n’a pas non plus essayé de surmonter cette paralysie en recourant à la résolution 377 A, «Uniting for Peace», qui permet sur le papier à l’ONU de dépasser le blocage du Conseil de sécurité. L’instrument ne fut d’ailleurs utilisé qu’en 1956, 1980 et 1981.
Faut-il abolir l’ONU, s’interrogent à chaque fois les plus sceptiques. Le problème n’est pas là. Sans elle, le monde irait sans doute plus mal. L’organisation onusienne n’est que l’expression de la volonté des 193 Etats membres. Par la force des choses, elle incarne mieux que toute autre organisation la fragmentation de la communauté internationale dans le contexte syrien. La faillite n’est donc pas celle de l’ONU, mais celle des grandes puissances, incapables de dépasser la logique restrictive de leurs purs intérêts nationaux.
Le Conseil de sécurité ne parvient même pas à s’entendre sur une condamnation orale de Damas