Travail des enfants:la Bolivie tancée par l’OIT

Genève La Paz tente de se justifier

La Bolivie subit les foudres de l’Organisation internationale du travail (OIT) réunie jusqu’à la semaine prochaine pour son assemblée annuelle. En cause: la décision prise l’été dernier par La Paz d’abaisser l’âge légal du travail à 10 ans. L’interdiction du travail des enfants est l’un des piliers de l’OIT. L’organisation se targue d’avoir fait reculer ce fléau, même si 168 millions d’enfants sont toujours astreints au travail dans le monde, pour la plupart en Afrique et en Asie.

Le ministre bolivien du Travail, Trigoso Agudo, tente ces jours de justifier cette mesure. Selon lui, la nouvelle loi ne contrevient pas à la convention 138 de l’OIT, qui fixe l’âge minimal pour travailler à 15 ans, 14 ans pour les pays en voie de développement. «Il est évident qu’aucune entreprise bolivienne n’est prête à engager des enfants plus jeunes. Le problème, c’est l’économie informelle», a-t-il expliqué. Environ 850 000 petits Boliviens travailleraient dans la rue. «Plutôt que de fermer les yeux sur cette réalité, nous en avons pris acte et la nouvelle loi permet de mieux encadrer ces activités», a-t-il continué, appelant à la compréhension des syndicats, des employeurs et des gouvernements réunis à Genève.

Il est toutefois peu probable que l’OIT accorde une dérogation à La Paz. Elle pourrait faire tache d’huile. «Le gouvernement fait fausse route pour son propre pays, mais aussi en donnant un mauvais signal aux pays voisins», a mis en garde le syndicaliste français Yves Verrier, au nom de la commission de l’OIT chargée d’examiner le cas bolivien. «La légalisation du travail des enfants ne les émancipera pas, mais ouvre la porte à tous les abus. N’oublions pas que la Bolivie ne compte que 69 inspecteurs du travail. Comment pourraient-ils contrôler les conditions de 850 000 nouveaux travailleurs?»

Critique des pays alliés

Même les alliés traditionnels du gouvernement de gauche du président Evo Morales, le Venezuela, Cuba ou le Nicaragua, ont critiqué la nouvelle loi, tout en appelant l’OIT à faire preuve d’indulgence. Les syndicats et les employeurs boliviens disent ne pas avoir été consultés, contrairement aux associations des jeunes travailleurs, qui avaient été reçues par Evo Morales. La Suisse a souligné que l’abaissement de l’âge légal pour travailler était incompatible avec une scolarité adéquate, «la meilleure façon de briser le cycle de la pauvreté et d’accéder à un travail décent».