La Turquie a imposé ses conditions en échange de son aide face à la crise des réfugiés
Union européenne
Le sommet UE-Turquie s'est conclu dans la nuit de lundi à mardi par un accord de principe. Les deux parties vont peaufiner les détails et se sont donné rendez-vous dans dix jours à Bruxelles

La Turquie s'est engagée à réadmettre, à partir de juin prochain, tous les réfugiés irréguliers, quelle que soit leur nationalité, ayant transité sur son sol avant de gagner l'Europe. Elle organisera elle-même leur retour à leur pays d'origine. Elle reprendra aussi chaque réfugié syrien qui arrivera dans l'une des îles grecques. Pour chaque réfugié ainsi repris, l'Union européenne (UE) donnera asile à un réfugié syrien se trouvant en Turquie par le biais de son programme de réinstallation.
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Tels sont les engagements pris lundi soir d'une part par les Vingt-Huit et d'autre part par la Turquie lors d'un sommet spécial consacré à la crise des réfugiés. Si les principes ont été acceptés par les deux parties, il reste encore à peaufiner les détails, plus particulièrement la mise en œuvre des engagements. Le premier ministre turc Ahmet Davutoglu reviendra au prochain sommet européen les 17-18 mars prochains pour signer un accord en bonne et due forme.
Le nouveau régime prévu pour juin 2016
Parallèlement au volet sur les réfugiés, l'UE s'est engagée à accélérer les négociations pour l'exemption de visa pour les citoyens turcs voulant voyager dans l'espace Schengen. Le nouveau régime entrera en vigueur dès juin prochain. Jusqu'à présent, l'UE travaillait sur un scénario de libéralisation graduelle à partir d'octobre 2016.
Les Vingt-Huit ont aussi admis le principe d'ouvrir cinq nouveaux chapitres de négociations liées à la candidature d'adhésion de la Turquie à l'UE. Le processus doit être lancé dès qu’un accord sur la réunification de Chypre sera arrêté. Ahmet Davutoglu a ainsi fait comprendre qu’Ankara était prêt à faire des concessions et qu’une solution était à portée de main. Selon un diplomate turc, les négociations sur l’adhésion doivent reprendre même si les Chypriotes rejettent la réunification lors du référendum qui pourrait avoir lieu en septembre prochain.
Enfin, l'UE déboursera à partir de 2018, une somme additionnelle, trois milliards d'euros selon des sources proches des négociations, pour venir en aide aux réfugiés se trouvant en Turquie. Cette somme viendra en sus des trois milliards d'euros accordés dans le cadre du programme d'action conjoint signé le 29 novembre dernier. Le premier ministre Davutoglu a expliqué que son pays a consacré dix milliards d'euros de son budget national à cet effet.
L'UE vigilante sur les violations des droits de l'homme en Turquie
En fin de compte, l'UE espère endiguer le flot migratoire qui ne tarit pas depuis l'an dernier. Ils étaient 1,25 millions de Syriens, d'Irakiens et d'Afghans qui ont transité par la Turquie avant de rejoindre l'Europe en 2016. Depuis janvier, malgré l'hiver, plus de 100 000 réfugiés ont déjà traversé. Le président du Conseil européen Donald Tusk a clairement reconnu lundi soir que la Turquie détient la clé pour arrêter le flot.
Il reste à voir si les Vingt-Huit accepteront le plan final qui leur sera soumis la semaine prochaine. Plusieurs Etats se sont montrés récalcitrants lors des débats. Le premier ministre hongrois Viktor Orban, chef de file du groupe de pays du groupe Visegrad (Hongrie, République tchèque, Slovaquie et Pologne) a menacé de mettre son véto contre tout programme de réinstallation des réfugiés à partir de la Turquie.
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Par ailleurs, même si la Turquie s'est présentée lundi en position de force par rapport aux flux migratoires, l’UE ne veut plus fermer les yeux sur les violations récurrentes des droits de l’homme et de la liberté de la presse dans le pays. A son arrivée au sommet, le président français, François Hollande, a appelé à une coopération plus poussée avec la Turquie, mais pas à n’importe quel prix. «La liberté de la presse doit exister partout», a-t-il dit en référence à la récente mise sous tutelle du journal d’opposition Zaman.
Federica Mogherini, la cheffe de la diplomatie européenne, est allée dans le même sens. «Nous travaillons avec la Turquie sur la candidature à l’adhésion et nous suivons de près les récents développements dans la politique intérieure», a-t-elle averti hier. Sur un autre registre, elle a déclaré que l’UE reconnaît que le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) est une organisation terroriste, mais estime que le pouvoir turc doit engager des négociations en vue de trouver une solution sur la question kurde.