D’un côté, les bureaux de la banque privée genevoise Lombard Odier Darier Hentsch. De l’autre, ceux d’Ocra Worldwide, l’une des firmes incontournables de la finance offshore. Le 39e étage du Two Exchange Square, l’un des centres névralgiques de la place financière de Hongkong, en dit long sur la cohabitation qui perdure entre les montages juridiques «exotiques» et les gestionnaires d’actifs. Ocra Worldwide, une société similaire en tout point à Portcullis Trust­Net, la firme singapourienne dont les archives ont nourri les révélations de l’opération «Offshoreleaks» par le Consortium international de journalistes (ICJ), va d’ailleurs droit au but: «Réduire le fardeau fiscal de nos clients et leur éviter au maximum tout contact avec les bureaucraties de leur pays d’origine fait partie de notre mission. Dans le respect des lois…», assène, très docte, l’une de ses directrices, Rebecca Leung.

L’Asie, destination refuge

Que font les banques suisses à Hongkong? Côté pile, elles misent, entre autres, sur le marché «off­shore» du renminbi chinois. Côté face: «Elles cherchent avant tout à capter la riche clientèle locale en misant sur leur réputation pourtant érodée par l’abandon du secret bancaire», juge un financier helvétique indépendant. Editorialiste au South China Morning Post, Shirley Yam, ajoute: «Hongkong profite de la protection de la Chine et les banquiers, pas seulement les suisses, le savent. Placer sa fortune ici est moins risqué qu’à Singapour, ville-Etat qui a besoin d’alliés et ne peut guère résister aux pressions.»

Le complexe d’Exchange Square surplombe le port de Hongkong. Il abrite aussi UBS et la banque Pictet dont le nom, ces temps-ci, fait l’objet d’une campagne de publicité sur les bus à impériale du territoire. Impossible, bien sûr, d’obtenir de la part de ces banques d’autres informations que celles mentionnées sur leurs brochures de luxe. Mais de l’autre côté du bras de mer qui sépare l’île du continent, une avocate hongkongaise accepte d’en dire un peu plus.

Son bureau, situé à Kowloon, à deux pas de l’embarcadère du Star Ferry, travaille de longue date avec LGT, la banque du Liechtenstein installée, elle, au 42e étage d’Exchange Square. «J’ai reçu mission de leur part de tester de nouvelles destinations offshore dans la région, explique-t-elle. Tout le monde a compris que les îles Vierges (BVI) attirent l’attention des services fiscaux européens. Je regarde maintenant du côté de Labuan, en Malaisie. Ou même aux Philippines. En clair, je dissèque ce que l’Asie offre comme refuges.»

Hongkong est en outre une terre de prédilection pour les gérants indépendants, dont le nombre ne cesse de croître. La connaissance des trusts, ces véhicules juridiques de droit anglo-saxon très répandus en Asie, est un atout. John Dingley, du cabinet de consultants TTG, acquiesce: «Les clients veulent quelqu’un pour les guider, pour profiter au mieux des opportunités de la région.» «On revient au bon vieux principe du family office», conclut notre financier helvétique. La sécurité que procure un réseau personnalisé est sans égal. Or Hong­kong, de ce point de vue, est bien plus intéressant que Singapour, où l’Etat surveille tout.»