Un climat de débacle chez les Verts français
France
Ils devraient logiquement profiter de la grande conférence sur le climat à Paris. Mais divisés et jugés peu crédibles par les électeurs, les écologistes se profilent comme les grands perdants des régionales des 6 et 13 décembre

Un seul d’entre eux, ou presque, arpente aujourd’hui les travées de la COP 21, la grande conférence sur le climat. Récemment nommé directeur du WWF France (le Fonds Mondial pour la nature), l’ancien ministre les art kids de Séoul ou Tokyo s’exposent à reculons, face contre toile, absorbés dans leur contemplation., ou en tout cas ignorés des médias. Un manque de visibilité symétrique de leur affaissement politique à la veille des élections régionales des 6 et 13 décembre, pour lesquelles les sondages leur accordent, au niveau national, environ 5% des voix au premier tour contre 12,1% au sortir des urnes en 2010.
L’écologie politique, en France, a toujours eu de sérieux problèmes, en particulier au niveau de ses chefs, plus affairés à s’entretuer qu’à défendre la cause. Brice Lalonde, Antoine Waechter, Dominique Voynet, Eva Joly, Cécile Duflot, et aujourd’hui Emmanuelle Cosse… Les leaders du parti Vert ont tous, les uns après les autres, fini avec des scores microscopiques. Un seul, l’ex eurodéputé Daniel Cohn-Bendit, avait réussi à ouvrir une parenthèse «enchantée» en décrochant, à la tête de la liste Europe-Ecologie, un impressionnant 16% des voix aux européennes de 2009, socle sur lequel ses amis négocièrent ensuite un précieux accord d’alliance avec le Parti socialiste, en vue de la présidentielle de 2012. La suite? L’élection de dix sénateurs, l’accession à l’Elysée de François Hollande, l’arrivée de 17 députés Verts en juin 2012 puis l’entrée de trois ministres verts au gouvernement. Lesquels claquèrent la porte, en avril 2014, pour protester contre le «recentrage» du nouveau premier ministre Manuel Valls.
Changement radical aujourd’hui, alors que la tenue de la COP 21 transforme jusqu’au 11 décembre la France en pionnière de l’écologie mondiale. La parenthèse «enchantée «a laissé place à un suicide électoral. Sauf surprise, le scrutin dans les treize grandes régions redécoupées s’annonce comme un carnage pour les 263 élus écologistes régionaux sortants. En Ile de France (autour de Paris) où les Verts avaient dépassé les 16% il y a cinq ans, la liste de leur présidente Emmanuelle Cosse, est créditée de 6% au premier tour, ce qui lui permettra de fusionner avec une autre liste (5% requis) mais pas de se maintenir au second (10% requis). Le tout, sur fond de querelles de personnes marquées, cet automne, par la décision du sénateur Jean Vincent Placé et du député François de Rugy de quitter Europe Ecologie-Les Verts (le parti officiel) pour créer «Ecologistes!", un micro-parti associé au PS.
Pire: les Verts Français se sont fait dérober leur sujet par François Hollande, et assistent au reniement, par ce dernier, de plusieurs de ses promesses électorales. Le Chef de l’Etat Français, assuré de tirer profit de la COP 21 si celle-ci s’achève par un accord contraignant sur le climat, a décidé de fermer les yeux sur le report de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim, frontalière de la Suisse. Il vient aussi de valider la reprise des travaux, au début 2016, de l’aéroport controversé de Notre Dame des Landes, prés de Nantes, devenu depuis le début de son quinquennat un champ de bataille pour les «ultras «de la mouvance écologiste. Sans parler de l’autre revanche qui fait mal: celle du conseiller spécial de l’Elysée pour la planète Nicolas Hulot, assuré lui aussi de ressortir auréolé de la COP 21 en cas d’accord. En 2011, l’ex animateur de l’émission «Ushuaia», candidat à la primaire présidentielle des Verts, avait été séchement battu par la juge Eva Joly.
Plus grave encore: les Verts Français courent le risque de ne plus être audibles. Au delà de l’écologie, ces derniers avaient fait des libertés publiques leur thème de prédilection, en phase avec l’électorat urbain «bourgeois-bohème». Or les attentats du 13 novembre, puis l’Etat d’urgence que leurs élus ont voté (sauf Noël Mamère), ont refermé sur eux une chape de plomb. «La question de base est simple: A quoi servent-ils encore? «interroge l’ancienne ministre de l’environnement centriste Corinne Lepage. François Hollande ne semble d’ailleurs pas pressé de les rappeler au gouvernement. «Nous nous sommes démonétisés nous-même» se lamente un ancien élu Vert au parlement européen.