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Un espoir de paix bien tardif pour les victimes de la tragédie du Darfour

Khartoum accepte la résolution de l'ONU votée mardi sur l'envoi d'une force multinationale de 26000 hommes.

Enfin une bonne nouvelle pour les populations exsangues du Darfour. Mardi soir, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté à l'unanimité la résolution 1769 autorisant l'envoi d'une force multinationale de plus de 26000 hommes. Après quatre ans de violence débridée, cette décision permet d'entrevoir le bout du tunnel dans l'ouest du Soudan, où au moins 200000 personnes sont mortes depuis le début du conflit et où 2 millions d'autres ont dû quitter leur domicile.

Feu vert de la Chine

Mais cette percée diplomatico-militaire laisse un goût amer. Il y a près d'un an, l'ONU adoptait la résolution 1706 autorisant... l'envoi de 20000 Casques bleus. Un texte resté lettre morte, le régime islamo-nationaliste de Khartoum s'opposant catégoriquement à l'arrivée d'une force internationale perçue comme le «cheval de Troie» des Américains, très en pointe dans la dénonciation du «génocide» au Darfour. Durant de longs mois, le Soudan, soutenu par la Chine, très présente dans l'exploitation du pétrole local, a profité des divisions de la communauté internationale.

Mercredi, Khartoum a officiellement entériné la résolution 1769. «Nous pouvons vivre avec», a estimé le ministre soudanais des Affaires étrangères, Lam Akol. Pour justifier ce revirement, ce vétéran de la rébellion du Sud-Soudan a notamment évoqué le caractère africain de cette force dite «hybride». Baptisée Minuad (Mission conjointe des Nations unies et de l'Union africaine au Darfour), cette opération sera menée par les deux organisations. Si la chaîne de commandement est confiée à l'ONU, la force sera, en théorie, composée pour l'essentiel de troupes africaines, comme l'exigeait Khartoum.

Autre motif de satisfaction pour le régime soudanais, la résolution 1769 ne mentionne aucune sanction en cas de non-respect du texte, contrairement à ce que souhaitait Washington. C'est à ce prix que la Chine, traditionnellement rétive à toute forme de punition, qui plus est contre l'un de ses alliés, a soutenu la résolution 1769.

Celle-ci invoque le Chapitre VII de la Charte de l'ONU autorisant le recours à la force en cas de légitime défense, pour assurer la libre circulation des 13000 travailleurs humanitaires présents au Darfour, mais aussi et surtout pour protéger des civils attaqués. Un point capital que Khartoum conteste déjà. Arguant que le texte rédigé par la France et la Grande-Bretagne évoque la «souveraineté» du Soudan, il assure que la sécurité des civils lui incombe. Les Occidentaux soutiennent à l'inverse que le principal objectif de la force sera de protéger la population des janjawids, des miliciens armés par Khartoum.

Quoi qu'il en soit, ces divergences d'interprétation, si elles doivent se manifester, n'apparaîtront pas avant plusieurs mois. Le temps de réunir les quelque 20000 soldats et 6000 policiers prévus, et de les doter de moyens militaires adéquats pour agir efficacement dans une région vaste comme la France. Lors d'un déplacement, la semaine dernière, au siège de l'Union africaine (UA), à Addis-Abeba (Ethiopie), le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a évoqué avec le «patron» de l'organisation panafricaine, Alpha Oumar Konaré, la possibilité d'un déploiement plus rapide. Reste que la saison des pluies, qui dure jusqu'en octobre, entrave de facto un déploiement massif, dans une région aux infrastructures en piteux état.

«La solution est politique»

Paris, qui avait organisé, le 25 juin, une réunion internationale consacrée au Darfour, en présence notamment des Chinois, affirme avoir joué un rôle de catalyseur. «Les Soudanais ont cédé car ils ont compris qu'ils ne pouvaient plus jouer sur les divisions de la communauté internationale», dit un conseiller de Kouchner.

Toutefois, et tous les acteurs impliqués dans le dossier du Darfour en conviennent, une force militaire, même robuste est une condition nécessaire, mais pas suffisante, pour mettre un terme au conflit au Soudan. «La solution est politique», dit-on à Paris.

Vendredi, les différentes factions rebelles du Darfour se retrouveront en Tanzanie, sous l'égide de l'ONU et de l'UA, pour tenter de définir une position commune face à Khartoum. La politique est la continuation de la guerre par d'autres moyens.