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Un jeu vidéo pour châtier les ripoux chinois fait fureur

Le «Combattant incorruptible», lancé sur Internet voici une semaine, a été téléchargé 100000 fois. Succès auprès des jeunes.

Qui n'a jamais rêvé de tuer ou de torturer un fonctionnaire corrompu, de se débarrasser de ses enfants et d'entrer ensuite au paradis idéal, là où règne enfin l'intégrité? En Chine, ce vœu est désormais réalisé, de manière fantasmée, sur la Toile. Depuis une huitaine de jours, le nouveau jeu vidéo Combattant incorruptible, inventé à la demande des autorités du Zhejiang, une province située au sud de Shanghai, permet à tout un chacun de se défouler contre la plaie de la Chine, cette gangrène dénoncée par le régime lui-même comme l'une des menaces les plus sérieuses à la légitimité du Parti communiste chinois (PCC).

Le jeu consiste, en s'inspirant de faits historiques réels datant de l'époque impériale, à éliminer les corrompus afin, comme l'ont annoncé les concepteurs, «de combiner éducation anticorruption et divertissement». L'Histoire vient ici au secours du présent: il s'agit bien de mettre en garde les masses contre de très contemporaines dérives...

Le succès ne s'est pas fait attendre: en une semaine, le jeu a été téléchargé 100000 fois, dépassant les capacités du serveur Internet qui, depuis jeudi 2 août, annonce que le site est en cours de modification afin de permettre à un maximum de joueurs d'en profiter... Le 28 juillet, le serveur a «craqué» Le concepteur, Hua Tong, a expliqué que le jeu est conçu pour accueillir 500 à 600 personnes, mais que le nombre d'inscrits a déjà dépassé les 10000, dont 3000 le premier jour!

Capturer, torturer ou tuer des fonctionnaires véreux

Certaines réactions publiées dans la presse démontrent que les inventeurs de ce cybergame ont visé juste dans les rangs des jeunes internautes. «J'ai vraiment l'impression d'avoir accompli quelque chose quand je punis l'un de ces fonctionnaires diaboliques», se félicite un joueur, cité dans un quotidien de Pékin. Après avoir capturé, torturé ou tué suffisamment de fonctionnaires véreux, leur progéniture et même leurs «concubines» - qui se promènent nues sur l'écran -, les gagnants sont récompensés en entrant dans une sorte de paradis, dont les deux mamelles sont l'intégrité et la probité.

Cet «événement», dont la presse nationale s'est emparée avec bonheur, fait tout de même grincer quelques dents chez les esprits chagrins. L'un d'entre eux, le professeur d'université Wang Xiongjun, s'est exprimé dans le très officiel China Daily, un quotidien anglophone distillant la propagande gouvernementale pour les étrangers. «Ce sont les officiels du gouvernement qui devraient recevoir une éducation anticorruption, pas les jeunes», raille-t-il.

Les articles complaisants d'une presse aux ordres se réjouissant du succès d'un divertissement au goût des plus discutables sont à mettre en parallèle avec la publicité faite par le régime à propos de ses avancées dans la lutte anticorruption.

Il y a un mois, les médias ont annoncé l'exécution de l'ancien responsable du bureau de supervision de l'alimentation et des médicaments, Zheng Xiaoyu, condamné à mort pour avoir touché des pots-de-vin versés par des entreprises pharmaceutiques en échange de son feu vert à la mise en vente de produits dangereux. Jeudi, le porte-parole de la commission de discipline du parti, Gan Yisheng, a révélé que l'ancien responsable du PCC de Shanghai, démis de ses fonctions pour corruption en 2006, est désormais sous les verrous.

Les internautes tortionnaires ont de beaux jours devant eux: la fin du temps des «ripoux» n'est pas pour demain.