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Un mystérieux Genevois avec JacquesChirac en Arabie saoudite

Paris veut conclure deux contrats militaires géants avec le royaume wahhabite. Et compte sur l'appui discret d'un résident suisse, l'homme d'affaires Alexandre Djouhri.

Un nouvel épisode de la rivalité entre la France et les Anglo-Saxons se joue dans les sables d'Arabie saoudite. Ce samedi, Jacques Chirac entame une visite officielle de deux jours dans le royaume pétrolier. Le but du voyage est de renforcer le «partenariat stratégique» et les échanges commerciaux de la France avec la monarchie wahhabite. Paris caresse aussi un espoir secret: hâter la conclusion de deux contrats militaires que Londres et Washington lui disputent âprement.

Le premier, baptisé «Miksa», vise à garantir la sécurité des frontières saoudiennes au moyen de centaines de radars, avions et casernes. Evalué à plusieurs milliards d'euros, il est en discussion depuis 1987. L'entreprise de défense Thalès, dont le PDG accompagne Jacques Chirac en Arabie saoudite, semble bien placée pour l'emporter. Seul problème: c'est un consultant américain, Bearing Point, qui met au point les spécifications du contrat. Celui-ci a été fractionné en une multitude de commandes plus petites, dont certaines ont déjà été confiées à des sociétés américaines.

La France est en difficulté sur un second front, celui de l'avion de combat Rafale. Fabriqué par Dassault - son PDG sera aussi du voyage saoudien - il est considéré comme un bijou technologique, mais coûte environ 77 millions de francs suisses l'unité et n'a remporté aucune commande à l'exportation. En avril 2005, lors d'une visite du futur roi Abdallah à Paris, des sources françaises avaient évoqué officieusement la vente de 48 Rafale à l'Arabie saoudite. Mais en décembre, ce sont les Britanniques qui ont annoncé, officiellement cette fois, la conclusion d'un accord portant sur 72 avions européens Typhoon.

La France espère inverser la tendance grâce aux bonnes relations de Jacques Chirac avec le roi Abdallah, et des faveurs comme l'ouverture d'un département d'art islamique au Musée du Louvre. Mais selon un cadre français de l'industrie d'armement, il est trop tard. «L'Elysée s'est trompé sur ces deux contrats en considérant qu'Abdallah est un autocrate qui décide tout. L'annonce prématurée faite en avril a été une erreur qui a poussé les Britanniques à accélérer leurs préparatifs.

Pour se ménager des entrées en Arabie saoudite, Paris a sorti de sa manche un homme d'affaires établi à Genève, Alexandre Djouhri. Connu pour son franc-parler et un tempérament plutôt sanguin, ce quadragénaire y dirige la société Adremis, qui serait active dans le traitement des eaux, la gestion des déchets et l'énergie. C'est un habitué des restaurants de luxe et des bars des palaces. Selon certains médias français, il a été activement impliqué dans la préparation du voyage de Jacques Chirac.

La présidence de la République ne confirme pas. Pourtant, Alexandre Djouhri est très bien introduit au sommet de l'Etat: on lui prête des liens étroits avec Jacques Chirac et son premier ministre Dominique de Villepin. En outre, il connaît nombre de grands patrons français et serait intervenu pour faciliter les contacts de plusieurs entreprises au Moyen-Orient: Thalès au Maroc, EADS en Libye, Veolia aux Emirats arabes unis...

Mais le monde des intermédiaires de haut vol est impitoyable. Selon le député français Alain Marsaud, qui le connaît bien, Alexandre Djouhri est la cible d'une «caste de malfaisants» qui répand les pires rumeurs sur son compte. «La France a un côté exécrable: c'est le pays où circulent le plus de faux rapports des services de renseignement», explique le député.

Le caractère farfelu de l'accusation n'empêche pas les services suisses et leurs homologues européens de s'intéresser de près aux activités d'Alexandre Djouhri, liées aux contrats stratégiques. Celles-ci restent entourées de mystère. Le nombre de contrats signés dans le sillage de la visite de Jacques Chirac en Arabie saoudite montrera si l'intermédiaire franco-genevois est aussi efficace que semble le croire l'Elysée.