Le texte, rédigé en latin sur une peau de mouton, date de 800 ans mais il demeure subversif aux yeux du pouvoir chinois. La Magna Carta, signée en 1215 par le roi d’Angleterre Jean Sans Terre est considérée comme l’une des principales sources de l’Etat de droit ou du Rule of law comme disent les Britanniques. Cette charte qui limite les prérogatives du roi et affirme les droits individuels devait être montrée au grand public lors d’une tournée en Chine cet automne. Pékin, sans explication, en a toutefois limité l’accès et purgé les moteurs de recherche de l’Internet sur le sujet. Seuls les Hongkongais peuvent admirer ces jours-ci en toute liberté ce parchemin – dont il ne subsiste que quatre originaux- chez la maison Sotheby’s.

Refuge dans les ambassades

A l’occasion du huitième centenaire de ce document, le Royaume-Uni organise tout au long de l’année des expositions à travers le monde. L’étape chinoise devait avoir un éclat particulier du fait de la visite du président Xi Jinping à Londres. A la veille de son départ, mi-octobre, la censure est pourtant passée à l’action. Une première exposition prévue à l’Université du peuple de Pékin, proche du parti communiste, a été annulée. Pour voir le parchemin, il fallait se rendre à l’ambassade britannique dont l’accès est limité. Ce changement de dernière minute était justifié par des raisons «logistiques et administratives», ont expliqué les diplomates britanniques.

Le scénario s’est répété à Shanghai, le document étant rapatrié au consulat britannique au lieu d’un musée, puis à Canton où cette fois-ci c’est le consulat américain qui l’a hébergé. Cité par le New York Times, le dissident Hu Jia a expliqué qu’il n’y avait rien d’étonnant à cela. Engagé dans une lutte contre l’influence des idées occidentales, le parti unique craignait le succès populaire d’un texte considéré comme l’une des sources d’inspiration de la Constitution des Etats-Unis de 1787 et de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948.

«Document 9»

Le parti communiste a engagé un combat contre les «valeurs universelles» tenues pour occidentales. Il s’en est suivi une reprise en main des universités où les discussions sur la démocratie et la constitution sont désormais strictement encadrées. Ce retour en arrière est acté dans le «document 9», une directive secrète du parti communiste révélée au public par la dissidence en 2013.

Le sujet n’est pas moins sensible à Hong Kong, l’ancienne colonie britannique qui bénéficie d’un statut juridique qui lui est propre. Depuis la révolte étudiante dite des parapluies, l’an dernier, la défiance de Pékin à l’égard de la société civile a redoublé. La Magna Carta n’y sera visible que l’espace d’une petite semaine.

Pékin préfère les monarques absolus

Il y a dix ans, lors de la célébration des années croisées avec la Chine, la France avait prudemment écarté son héritage révolutionnaire lié aux droits de l’homme pour privilégier la figure de Louis XIV. Durant des mois, l’exposition sur le monarque absolu avait bénéficié de l’écrin de la Cité interdite.