Sous le soleil d’hiver, les files d’électeurs se sont allongées au cours de la journée de mercredi dans les bureaux de vote de New Delhi. Douze millions d’habitants étaient appelés à élire l’Assemblée régionale de l’Etat de New Delhi. Avec une particularité: la présence d’un nouveau parti, né du mouvement anti-corruption qui a eu un immense soutien populaire en 2011 dans le pays.

A la fermeture des bureaux de vote hier à 17 heures, les queues étaient encore si longues que la commission électorale a autorisé une prolongation de leur ouverture jusque dans la nuit. New Delhi enregistre ainsi un taux de participation record de 66%. D’après le Times of India, c’est aussi «la plus intéressante des élections jamais vues à New Delhi». Les résultats auront une lourde résonance à l’orée des élections générales de 2014. Le combat des Titans, entre le Congrès au pouvoir et le principal parti d’opposition du Bharatiya Janata Party (BJP), s’est étoffé de la très médiatisée nouvelle formation indépendante Aam Aadmi («le parti de l’homme commun», AAP) qui entend changer la donne.

Symbole du balai

S’il débute en politique, l’AAP prend néanmoins ses racines dans la colère des rues de l’année 2011, qui avait envahi les grandes villes de la Fédération. Des centaines de milliers d’Indiens s’étaient rassemblés derrière Anna Hazare, héros d’un mouvement anti-corruption dans un pays excédé par les scandales financiers. De jeûnes publics en manifestations, le respectable admirateur de Gandhi avait fait trembler le gouvernement pour tenter d’imposer un organe anti-corruption. La fièvre retombée, le fossé s’est creusé entre le peuple et Anna Hazare. Son allié Arvind Kejriwal a décidé de le quitter et a formé, l’an dernier, l’AAP: «Les gens ont enfin un choix, la possibilité de voter pour un parti honnête.»

Ancien agent des impôts, Arvind Kejriwal a reçu en 2006 le Prix Ramon Magsaysay, l’équivalent du Nobel de la paix en Asie, pour son apport dans l’adoption du droit à l’information, une loi en faveur de la transparence. Agé de 44 ans, il a réussi à financer son parti par des donateurs privés et a choisi à New Delhi de jeunes candidats sans casier judiciaire. Son parti a été très visible ces derniers jours dans les rues de la capitale, avec ses légions de volontaires ultra-motivés, coiffés du calot blanc de Gandhi et armés d’un balai, le symbole de l’AAP. «Je suis Arvind Kejriwal. Assurez-vous de voter pour le balai», est son humble slogan. Il assure ne suivre aucune idéologie et être guidé par une volonté de changer le système, en mettant fin à la corruption et en redorant le service public.

Quatre autres Etats

Audacieux, le politicien en herbe s’est présenté dans une capitale qui est le bastion du Congrès, le parti de la famille des Nehru-Gandhi, et cela face à une politicienne aguerrie: Sheila Dikshit, 75 ans. Depuis 1998, elle a réussi l’exploit d’enchaîner trois mandats à la tête de New Delhi. Mais l’image du Congrès s’est ternie, dans une capitale qui cumule corruption, inflation et d’innombrables cas de femmes agressées, lui donnant le surnom de «capitale du viol». Sheila Dikshit a tenté de prouver ses efforts réalisés dans le développement.

Harsh Vardhan, le candidat des nationalistes hindous du BJP, a promis quant à lui une baisse du prix de l’électricité et des légumes, tout comme l’AAP. Hier soir, les premiers sondages donnaient à l’AAP entre 6 et 18 sièges, au BJP entre 29 et 41, et au Congrès entre 18 et 21, sur le total des 70 sièges de l’Assemblée de New Delhi. Pour l’AAP, ce serait un exploit sidérant.

Ce scrutin régional s’est tenu le même jour que celui de Mizoram. Trois autres Etats (Madhya Pradesh, Chhattisgarh, Rajasthan) ont voté entre le 11 novembre et le 1er décembre. D’après les sondages, les électeurs auraient favorisé le BJP, dont la campagne a été intensément menée par Narendra Modi, dirigeant du Gujarat et candidat controversé aux élections nationales de 2014. La vague «Modi» pourrait bien être en marche. Et le Congrès en difficulté. Le verdict des urnes est attendu dimanche.