Un véhicule militaire de fabrication suisse a été repéré en Ukraine
Réexportation
Alors que la réexportation de matériel militaire helvétique vers l’Ukraine est interdite et fait débat, au moins un Mowag Eagle I, fabriqué en Suisse dans les années 1990, est en service sur le front, rapportent «La Liberté» et la «NZZ»

La question de la réexportation d’armes et de munitions suisse vers l’Ukraine est pour le moins sensible. Elle suscite depuis des mois l’incompréhension des pays partenaires de la Suisse et l’agitation de nombreux parlementaires fédéraux. Pour l’heure, en l’absence de changement législatif, la position du Conseil fédéral, récemment rappelée par Alain Berset, est claire: toute réexportation est interdite.
Pourtant, un véhicule militaire de fabrication suisse a été photographié en plein engagement avec les forces ukrainiennes à Tchassiv Iar, à quelques kilomètres de Bakhmout, théâtre des plus intenses combats de la zone de front depuis des mois, rapportent mercredi La Liberté et la Neue Zürcher Zeitung (NZZ). Il s’agit d’un véhicule blindé de type Mowag Eagle I, qui a notamment été repéré sur une photographie diffusée par l’Agence France-Presse (AFP) le 18 mars dernier. Mais aussi quelques jours plus tôt parmi des images publiées sur Instagram par le photographe espagnol José Colón (2e photo ci-desous).
Ce modèle de véhicule blindé, reconnu sans équivoque par des spécialistes sur les photographies, date des années 1990 et était fabriqué par l’entreprise Mowag, qui appartient aujourd’hui au groupe américain General Dynamics Land Systems. Reste à en éclaircir la provenance sur le terrain du conflit en Ukraine, qui n’aurait normalement pas été possible sans l’autorisation des autorités helvétiques.
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Des véhicules de l’armée danoise revendus en Allemagne
La piste de cette livraison semble passer par le Danemark, «le seul pays, à part la Suisse, à qui Mowag a vendu ce modèle Eagle I», selon La Liberté, qui précise que 36 exemplaires ont été utilisés par l’armée danoise jusqu’à leur mise hors-service «vers 2008». Il semble pourtant peu probable que le véhicule provienne directement du pays scandinave: «Copenhague s’en tient strictement aux dispositions légales en matière de transfert de matériel de guerre», indique en effet la NZZ, ajoutant qu’une demande officielle – refusée par Berne – avait été faite pour la réexportation d’autres types de matériel militaire l’an dernier. Un porte-parole du ministère danois de la Défense affirme en outre au quotidien zurichois que son pays n’a pas transmis d’Eagle à l’Ukraine.
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Le Danemark confirme toutefois avoir revendu 27 de ces véhicules blindés à une entreprise allemande en 2013, avec l’autorisation de la Confédération. Et l’acheteur aurait lui-même signé une déclaration de non-exportation, selon laquelle un éventuel transfert vers l’Ukraine aurait été soumis à l’approbation de Berne, soulignent les autorités danoises.
Comment ce véhicule est-il tout de même arrivé sur le front? Les soupçons se cristallisent désormais vers cet acheteur allemand, qui n’aurait pas respecté son obligation de consulter la Suisse. Contacté par les deux journaux, le Secrétariat d’Etat à l’économie, responsable du contrôle des exportations, a déclaré prendre «cette annonce très au sérieux», et qu'il allait «procéder le plus rapidement possible à toutes les clarifications nécessaires».
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