«Des «corbeaux» qui volent au-dessus de Saint-Pierre… Des «comploteurs à la Vatileaks» nichés sous les colonnades du Bernin… Un «nid de vipères» qui se cache au cœur du Vatican… Que se passe-t-il «oltre Tevere», de l’autre côté du Tibre, comme on dit à Rome quand on parle de la capitale du catholicisme?» se demande le romantique Obs. Car si l’avènement du pape François et ses opérations de nettoyage au Kärcher ont apporté quelque lumière dans les sombres couloirs du Saint-Siège et forcé quelques prélats et autres hauts dignitaires à venir à résipiscence, il y a encore du travail!

Francesca Immacolata Chaouqui – que Le Monde surnomme «la Mata Hari du Vatican» – en sait quelque chose, cette jeune laïque consultante au sein d’une commission chargée d’analyser les dysfonctionnements financiers du Vatican qui vient notamment de déclencher un nouveau scandale, démentant au passage le choix originel de son deuxième prénom. 20 minutes fait un excellent résumé de ce que l’on appelle déjà un «Vatileaks 2», qui dit bien l’ampleur des richesses du Vatican.

Détournements de fonds

Proche de l’Opus Dei, elle aurait livré des indiscrétions aux auteurs de deux livres sur le point de paraître: Avarice d’Emiliano Fittipaldi, de l’hebdomadaire L’Espresso, mais surtout Via crucis de Gianluigi Nuzzi, du groupe télévisé Mediaset de la famille Berlusconi, qui seront en librairie dès demain, jeudi 5 novembre. Le second paraîtra en français le mercredi 11, sous le titre Chemin de croix, chez Flammarion. Et tous deux «révèlent le fonctionnement de l’argent au sein du Vatican, ciblant notamment plusieurs détournements de fonds» à l’origine destinés aux bonnes œuvres.

Ces nouvelles allégations, distillées mardi par toute la presse italienne – dont le très référentiel Vatican Insider de La Stampa – interviennent au moment où, précisément, viennent d’être arrêtés par les autorités du micro-Etat un prélat espagnol, Mgr Lucio Angel Vallejo Balda, et la fameuse laïque italienne. «Francesca Chaouqui a été remise en liberté, mais à nouveau interrogée ce mardi.»

Des «agents doubles»

Selon l’enquête de la gendarmerie vaticane citée par El País et relayée par Courrier international, ces deux-là «ont agi comme des agents doubles. Ils auraient soustrait des documents confidentiels et enregistré des conversations du pape à son insu.» François a donc été trahi. Selon le journal madrilène, lesdits documents pourraient aussi révéler «la résistance de l’Eglise aux réformes économiques du pape. Mais ce qui préoccupe le plus le Vatican dans la publication des conversations», c’est que Sua Santità, «dans une ambiance décontractée et dans une supposée intimité, parle franchement de ses inquiétudes concernant la corruption dans l’Eglise».

Cela fait dire à Libération qu'«au Vatican, les corbeaux volent en escadrilles. Et en toute saison», avec ce déballage qui intervient «trois ans après l’affaire Vatileaks et l’arrestation du majordome du pape, Paolo Gabriele, qui avait balancé les secrets troubles de la Curie autour de Benoît XVI».

«Couper la tête aux corbillats»

Pour l’heure, «Jorge Mario Bergoglio a en tout cas décidé qu’après l’affaire Gabriele, condamné à trois ans de prison puis gracié, il fallait aussi couper la tête aux corbillats. «Les publications de ce type ne servent pas à faire la lumière ou à établir la vérité mais génèrent au contraire de la confusion et des interprétations tendancieuses», a justifié Federico Lombardi, le porte-parole du pape, ajoutant: «Il faut éviter de penser que c’est un moyen d’aider la mission du pape.»

«En clair, sous François, le linge sale doit être énergiquement lavé, mais sans faire de mousse à l’extérieur. […] Le pape aurait notamment piqué une colère en apprenant qu’à l’occasion de la canonisation de Jean Paul II et Jean XXIII, le prélat et la lobbyiste avaient organisé une grande fête mondaine sur le toit des palais apostoliques. […] Francesca Immacolata Chaouqui assure qu’elle n’est pas un corbeau et charge le prélat: «C’est lui qui a tout fait. J’ai essayé de l’en empêcher. Je suis innocente et suis disposée à collaborer pour établir la vérité.» Et d’ajouter qu’il existe une atmosphère de «longs couteaux» au Vatican.»

Une guerre ouverte

C’est donc maintenant on ne peut plus clair: «Deux ans après la démission de Benoît XVI, le temps des complots et des scandales n’a pas disparu sous les colonnes du Bernin. Après le coming out de Mgr Charamsa […] à la veille du synode de la famille, […] le journal italien Quotidiano nazionale a affirmé que François était victime d’une tumeur bénigne au cerveau. Le Vatican a fermement démenti.»

Dans la foulée, Le Monde publie ce mercredi des extraits du livre de Nuzzi, «qui raconte la guerre» désormais ouverte «entre le pape François et la Curie». Il s’est aussi entretenu avec cet enquêteur de choc, qui «évoque le règne l’amateurisme et de la corruption» au sein de l’ensemble des dicastères et autres organismes du Saint-Siège censés assister le pape dans sa mission de pasteur mais qui le voient en réalité plutôt «comme un intrus».

«Un véritable scandale»

Ses lignes sont édifiantes: «Au cœur même de l’Eglise, il existe un trou noir que François découvre au prix de nombreuses difficultés: une mauvaise gestion qui finit par se transformer en escroquerie et en machination. Grâce à l’unité opérationnelle qu’il a imposée avec une énergie sans précédent, il parvient à acquérir la certitude que les fonds destinés aux indigents servent à couvrir les frais de la curie. Un véritable scandale.»

Mais encore: «La moitié des offrandes envoyées par les fidèles du monde entier, censément versées aux nécessiteux, alimentent en réalité les caisses de la Curie.» Et tous les chiffres donnés par Nuzzi l’attestent: «La cupidité des prélats paraît […] sans limites» pour le confort personnel et les goûts de luxe de certains hauts dignitaires.

Le mur de Mgr Sciacca

Exemple paradigmatique, même s’il n’est pas le plus grave: Mgr Sciacca n’a pas hésité à profiter de l’absence d’un «doux prêtre» hospitalisé qui était son voisin de palier pour engager une entreprise de maçonnerie. Motif: il avait «besoin de précieux mètres carrés supplémentaires pour rendre sa résidence plus accueillante». Le mur entre les deux appartements est donc tombé…

Et pendant ce temps, nous apprend aussi Le Figaro, «des enquêteurs financiers du Vatican soupçonnent une institution supervisant l’immobilier et les investissements du Saint-Siège d’avoir été utilisée par le passé pour des opérations de blanchiment d’argent, de délit d’initié et de manipulations de marchés». Des informations contenues dans un rapport de 33 pages couvrant la période 2000-2011 ont été transmises à des enquêteurs italiens.

Mais aussi helvétiques, afin qu’ils les vérifient, car certaines activités auraient eu lieu… en Suisse.