Alors que la Chine célèbre en grande pompe le centenaire du Parti communiste chinois, une enquête a été ouverte en France contre quatre entreprises du secteur du textile, accusées de profiter du travail forcé de la minorité Ouïghour. La procédure, rendue publique ce jeudi, a été ouverte par le pôle «Crimes contre l’humanité» du Parquet national antiterroriste (Pnat) pour «recel de crimes contre l’humanité».

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Cette décision fait suite au dépôt d’une plainte déposée en avril dernier par un groupe d’associations et une Ouïghoure ayant été internée dans le Xinjiang, province du nord-ouest de la Chine où réside la majorité des membres de cette communauté dans le pays. Uniqlo France, filiale du groupe japonais Fast Retailing, le fabricant américain de chaussures de sport Skechers, le groupe espagnol Inditex, qui détient notamment les marques Zara et Bershka, ainsi que le groupe français SMCP, propriétaire entre autres de Sandro, sont visés.

La plainte déposée devant la justice française s’appuyait notamment sur un rapport publié en mars 2020 par l’ONG australienne Australian Strategic Policy Institute. Selon les associations plaignantes, ces entreprises ne font pas d’efforts suffisants pour s’assurer que leurs sous-traitants ne sont pas impliqués dans le travail forcé des Ouïghours.

Appels au boycott

Ces multinationales sont notamment accusées d’entretenir des liens avec des producteurs de fil ou des usines exploitant des Ouïghours. Mais plus généralement le secteur du textile a été pointé du doigt ces derniers mois pour son utilisation du coton dont la Chine est l’un des principaux producteurs mondiaux. L’essentiel de sa production provient de la province du Xinjiang où le pays est accusé, entre autres, d’utiliser les Ouïghours comme main d’œuvre forcée pour la récolte de cette matière première. En Suisse aussi des entreprises ont été pointées du doigt pour leurs liens avec la province du Xinjiang, notamment Lacoste propriété du groupe genevois Maus Frères.

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En réaction à des appels au boycott, des marques comme H&M ou Nike, mais aussi Uniqlo, s’étaient engagées à ne plus s’approvisionner en coton provenant de cette province. Une attitude qui leur a valu des appels au boycott en Chine cette fois. Ce jeudi, H&M indiquait que ses ventes en Chine ont baissé de 28% sur un an alors que ses produits ont été retirés des principales plateformes de vente en ligne dans le pays. 

La semaine dernière, les Etats-Unis ont pris de nouvelles sanctions financières contre des entreprises chinoises, arguant qu’elles recourent au travail forcé dans la province du Xinjiang.

Un pas vers la reconnaissance d’un génocide?

Si cette enquête ne vise pas directement les autorités chinoises, le qualificatif retenu de «recel de crimes contre l’humanité» pourrait créer des tensions avec la Chine. Le gouvernement chinois nie toute persécution contre les Ouïghours et qualifie de «centres de formation professionnelle» les centres de détention dénoncés à travers le monde par les militants pour les droits humains.

Elle pourrait servir d’argument pour appuyer la demande de reconnaissance du caractère génocidaire de la politique chinoise vis-à-vis des Ouïghours par la France. Le 17 juin dernier, une quarantaine de députés français ont déposé une proposition de résolution allant en ce sens, signalant que des procédures semblables étaient en cours en Belgique, en Allemagne, en Lituanie et en Nouvelle‑Zélande. Le gouvernement des Etats-Unis, ainsi que les parlements britannique, néerlandais et canadien ont déjà qualifié les violences exercées par la Chine de génocide.

Sur Twitter, l’eurodéputé français Raphaël Glucksmann, engagé pour la cause des Ouïghours, a qualifié l’ouverture de cette enquête d'«historique». Comme d’autres eurodéputés, ce dernier, ainsi que sa famille, s’était vu signifier une interdiction de séjour en Chine par les autorités du pays en mars dernier.