Une filière d’acheminement de djihadistes vers la Syrie en procès à Paris
France
Salim Benghalem, un Français considéré comme l’un des bourreaux de l’Etat islamique, sera jugé en son absence. Parmi les sept prévenus, deux hommes sont accusés d’être des recruteurs de l’organisation terroriste

Un peu plus de deux semaines après les attentats de Paris, le procès d’une filière d’acheminement de djihadistes en Syrie, en l’absence du principal prévenu, un Français sous le coup d’un mandat d’arrêt international, s’est ouvert mardi à Paris.
Inscrit sur la liste des djihadistes recherchés par les Etats-Unis, Salim Benghalem, 35 ans, sera jugé en son absence. Il est considéré comme l’un des bourreaux de l’organisation Etat islamique. Il a été avec le Franco-algérien Mehdi Nemmouche, le tireur du Musée juif de Bruxelles, un des geôliers de quatre journalistes français libérés en avril 2014 après dix mois de détention.
Selon le journal «Le Monde», Salim Benghalem a été ciblé par un bombardement de l’armée française à Raqqa (Syrie) le 8 octobre. Installé en Syrie depuis le printemps 2013, Benghalem est poursuivi pour son rôle central dans l’acheminement de djihadistes venant de France.
«C’est pas le Club Med ici!»
Parmi les six autres prévenus jugés devant le Tribunal correctionnel de Paris, l’un n’a jamais mis les pieds en Syrie. Accusé d’être un recruteur, il s’est défendu d’avoir convaincu qui que ce soit de faire le voyage que lui-même n’était pas prêt à faire.
#JIHADISTES Dans le box des accusés, 6 hommes: 2 recruteurs présumés de l'EI et 4 recrues envoyés en Syrie pic.twitter.com/VnixDuZfbJ
— Christophe Rauzy (@C_Rauzy) December 1, 2015
Ceux qui sont allés en Syrie ont connu des fortunes diverses. L’un y serait resté environ un an et demi, période durant laquelle, avec le Front Al-Nosra (affilié à Al-Qaida) puis l’EIIL (Etat islamique en Irak et au Levant, devenu par la suite l’EI), il est accusé d’avoir combattu et recruté des djihadistes, dont quatre de ses coprévenus, ce dont il se défend.
Au téléphone, il s’était plaint que les «frères» qui l’ont rejoint soient partis «sans rien faire», «c’est pas le Club Med ici!». Si l’accusation lui prête un rôle central, lui refuse d’endosser celui de recruteur. Comme d’autres dans cette affaire, ce prévenu a affirmé être parti pour aider, faire de l’humanitaire et non prendre les armes, explication fréquente dans ce type de dossier.
«Un climat très singulier»
Son avocate, Me Noémie Coutrot-Cieslinski, ne semble pas craindre une «quelconque confusion» entre ce dossier et les événements récents, mais souligne un «climat très singulier». Avec l’un de ses coprévenus, son client avait été sélectionné pour faire partie d’une sorte de groupe d’élite de dix combattants, chargés de commettre des assassinats.
Les autres membres présumés de cette filière du Val-de-Marne, département à l’est de Paris, sont restés entre dix jours et deux mois en Syrie. L’un, qui a combattu, soutient qu’il l’avait fait contre son gré. Sans expérience, il avait fait en sorte de ne pas se retrouver en première ligne et s’était caché dans une maison. Effrayé par les bombardements, il n’avait jusqu’alors pas mesuré le danger.
Certains des prévenus ont expliqué leur départ pour la Syrie par des difficultés personnelles et professionnelles en France. L’un a également invoqué les discriminations religieuses que lui et son épouse ressentaient. Mais ce qu’il a trouvé sur place ne correspondait pas aux promesses qui lui avaient été faites.
Démarche de déradicalisation
Libéré récemment pour une question de procédure, il a entrepris une démarche de déradicalisation et une importante «réflexion sur son parcours», selon Me Ann Kennedy. Autre avocat de la défense, Xavier Nogueras craint des «peines exemplaires pour rassurer l’opinion publique», que les prévenus soient jugés avec un regard de fin de 2015 pour des faits datant de 2013, un contexte géopolitique différent.
#JIHADISTES "Mon client a peur" que "les événements" n'influencent le tribunal, explique l'avocat 2/2 pic.twitter.com/sxJnEOL75x
— Christophe Rauzy (@C_Rauzy) December 1, 2015
La plupart des mis en cause se sont explicitement défendus de représenter un danger pour la France. En revanche, Salim Benghalem, lui, voulait mourir «en martyr» et ne voulait pas revenir dans l’Hexagone, selon des propos qui lui ont été prêtés dans son entourage. Ou alors, pour commettre un attentat. Le procès se tient jusqu’au 7 décembre.