Aller au contenu principal
Abo

La guerre qui se déroule en Ukraine se prolonge dans les discours. La Russie s'emploie à légitimer son offensive, quand l'Ukraine construit l'image d'un pays uni contre l'envahisseur. Passage en revue des événements et de leur incorporation dans des récits nationaux avec Carole Grimaud Potter, professeure de géopolitique de la Russie à Montpellier.

 

  • Vladimir Poutine reconnaît l'indépendance des «républiques» séparatistes

    Les dirigeants de la «République populaire de Donetsk» (DNR) et de celle de Lougansk (LNR), Denis Pouchiline et Léonid Passetchnik, lancent des appels coordonnés et diffusés à la télévision russe, pour demander à Vladimir Poutine de reconnaître leur indépendance. Une demande à laquelle le président russe répondra favorablement plus tard dans la journée.

    Le dirigeant russe ne se contente pas de reconnaître l'indépendance des territoires séparatistes. Après avoir demandé à l'armée de protéger DNR et LNR, et signé des accords d'amitié avec les deux territoires, il nie l'existence de l'Ukraine en tant qu'Etat et nation lors d'une allocution télévisée.

    Commençons par le fait que l’Ukraine contemporaine a été entièrement et complètement créée par la Russie, plus exactement par la Russie communiste, bolchevique. Ce processus a commencé presque immédiatement après la Révolution de 1917, et Lénine et ses camarades ont agi de façon vraiment peu délicate avec la Russie: ils ont pris à celle-ci, lui ont arraché, une partie de ses territoires historiques.

    Ce discours contient les éléments justifiant l'invasion russe de l'Ukraine, une réécriture de l'histoire au nom de la défense des populations russophones. Dans les jours qui ont précédé cette reconnaissance, le gouvernement russe accusait le pouvoir ukrainien d'être aux mains de «nazis» et de préparer un génocide au Donbass. Ces éléments de langages émaillent depuis le discours russe sur la guerre. 

    Verbatim: la leçon d'histoire de Vladimir Poutine sur l’Ukraine
  • La Russie lance son «opération militaire spéciale»

    Bombardements et offensive russe dans les premières heures de la guerre.

    A 5h48 heure de Moscou, le chef du Kremlin annonce à la télévision le lancement d'une «opération militaire spéciale» dont l’objectif est la «démilitarisation» et la «dénazification» de l'Ukraine. Des explosions retentissent dans la capitale ukrainienne, mais aussi à Kharkiv, dans le Donbass et dans plusieurs villes ukrainiennes. Les 150 000 militaires russes massés depuis des mois aux frontières lancent l'offensive depuis la Russie, la Biélorussie, la Crimée annexée et les régions séparatistes du Donbass.

    En réaction, le président ukrainien Volodymyr Zelensky appelle la population à prendre les armes et ordonne la mobilisation générale de tous les hommes âgés de18 à 60 ans. Depuis cette date, la Russie s'est toujours refusé à reconnaître qu'elle mène une guerre en Ukraine, malgré l'enlisement du conflit qui devait ne durer que quelques jours selon la stratégie de l'armée russe. 

  • Vladimir Poutine brandit la menace nucléaire

    Alors que les troupes russes se trouvent bloquées au sol, Vladimir Poutine agite la menace nucléaire pour dissuader les pays occidentaux de s'engager dans le conflit. «J'ordonne au ministre de la Défense et au chef d'état-major de mettre les forces de dissuasion de l'armée russe en régime spécial d'alerte au combat», affirme le président russe à la télévision. 

    La menace de l'utilisation d'armes nucléaires revient à plusieurs reprises dans le discours du gouvernement russe dans le premier mois du conflit avant de devenir moins marquée. «Elle a disparu des discours, mais pas des esprits des membres de l’OTAN ou de la Russie, la menace est toujours là, souligne Carole Grimaud Potter, professeure de géopolitique de la Russie à Montpellier. Le gouvernement russe a affirmé que l'arme nucléaire pourrait être utilisée "en cas de menace à l’existence de la Russie", c’est un terme très vague qui peut s'appliquer à beaucoup de situations.»

    Régulièrement, le pouvoir russe a laissé émerger les signes d'une possible utilisation de l'arme nucléaire avec par exemple des vols d'essai d'avions destinés à évacuer les dirigeants vers des abris anti-atomiques. «Il y a toujours un réel risque d’escalade, estime Carole Grimaud Potter. Cela transparaît avec la mise en alerte jaune de l'oblast de Koursk en Russie pour risque d'attaques terroristes provenant d’Ukraine, que ces attaques soient vraies ou pas. Il y aussi un changement dans la vision du conflit du côté russe, qui parle désormais d'opposition avec un bloc occidental et pas uniquement avec l'Ukraine.»

     

  • Première rencontre entre les négociateurs russes et ukrainiens

    Quelques jours après le début de la guerre, des pourparlers débutent entre la Russie et l’Ukraine. Les délégations des deux pays se retrouvent dans l’une des résidences d’Alexandre Loukachenko, le président biélorusse. Plusieurs rencontres ont lieu entre les représentants des deux pays en Biélorussie, puis en Turquie, mais celles-ci n'aboutissent pas. 

    «Les gains sur le terrain pèsent dans les négociations, note Carole Grimaud Potter. Les principaux points d’achoppement dans les négociations restent la Crimée et le Donbass. Mais de quel Donbass parle-t-on? L'annexion de la Crimée est une réalité depuis 2014 mais la question du Donbass est en cours. La Russie a aujourd'hui pour but d’avancer le plus possible dans cette région.»

     

  • La Suisse s'aligne sur l'UE et reprend les sanctions contre la Russie

    Après une séance extraordinaire, le Conseil fédéral reprend l’intégralité des sanctions européennes et gèle les actifs russes dans le pays avec effet immédiat. Ces sanctions financières visent notamment le président Vladimir Poutine, le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et le premier ministre Mikhaïl Michoustine. L’espace aérien suisse est fermé à tous les avions russes. Lors de cette annonce, Ignazio Cassis explique à plusieurs reprises que cette décision tient compte du droit de la neutralité et n'empêchera pas la Confédération de proposer son aide pour la résolution du conflit. L'absence de réaction de la Suisse avait provoqué des critiques les jours précédents.

  • Bombardements à proximité du site mémoriel de Babi Yar

    Parmi les nombreuses bombes qui s'abattent sur Kiev, une frappe vise la tour de la télévision et tue cinq civils. A proximité se trouve le site mémoriel du massacre de Babi Yar, qui abrite les corps de 34 000 Juifs tués lors de la Shoah par balles pendant la Seconde Guerre mondiale. Les autorités ukrainiennes communiquent sur le bombardement en affirmant que la Russie visait le lieu de mémoire, un acte à l'opposé du discours développé en Russie pour justifier l'invasion du pays: depuis plusieurs semaines, Moscou affirme vouloir «dénazifier» l'Ukraine et multiplie les références à la lutte contre le nazisme et à la Seconde Guerre mondiale.

    Annoncé comme détruit, le mémorial n'a en fait pas été directement touché par les missiles dont la cible prévue aurait été la tour de la télévision. Mais cet événement suscite l'indignation à travers le monde, notamment des responsables de plusieurs autres lieux de mémoire du génocide des Juifs.