Parmi les acclamations qui ont accueilli jeudi la naissance de la «nouvelle Palestine» à l’ONU, cette mise en garde, lancée par la représentante des Etats-Unis, l’un des neuf pays qui ont refusé d’accorder à la Palestine le statut d’Etat observateur non membre (138 votes en faveur et 41 abstentions): «Le fait de créer un Etat qui n’existe pas dans les faits ne changera pas la réalité sur le terrain», affirmait Susan Rice.

3000 logements

Le gouvernement israélien ne tardait pas à donner raison à l’Américaine. Vendredi, il annonçait la construction prochaine de 3000 logements supplémentaires dans les territoires annexés par Israël à Jérusalem-Est, là où «l’Etat palestinien» rêve de voir proclamer sa capitale.

De fait, dans l’arsenal de représailles promis par Israël, l’accélération de la colonisation est le plus commode, et le plus à même de rassurer la droite dure israélienne. Alors que l’Autorité palestinienne (AP) est en situation de quasi-faillite, des sanctions économiques – comme le refus de reverser les taxes perçues sur les importations palestiniennes – ne feraient qu’aggraver les choses et rapprocher une perspective qu’Israël redoute particulièrement: la chute de l’AP et l’obligation pour l’Etat hébreu d’assumer pleinement sa puissance occupante dans les territoires palestiniens.

Au demeurant, l’avancée de la colonisation israélienne est, elle-même, à un point critique et risque bientôt de rendre tout bonnement impossible l’existence future d’un Etat palestinien viable. En jeu: la réalisation du projet dit E1, qui vise à étouffer Jérusalem-Est en connectant la partie juive de la Ville sainte au bloc de colonies déjà bâti de Maale Adoumim. Un projet qui, s’il était mené à bien, sonnerait le glas de la solution des deux Etats.

Le oui triomphal obtenu à l’Assemblée générale s’accompagnait d’une sorte d’obligation tacite pour Mahmoud Abbas: reprendre au plus vite la négociation directe avec Israël. Dans cette optique, l’annonce d’une relance, à grande échelle, de la colonisation est la première couleuvre à avaler pour un chef de l’Autorité palestinienne qui, jusqu’ici, avait exigé le gel de cette colonisation comme une précondition aux négociations. Une manière, en somme, de renverser le rapport de forces qui penche ces jours en faveur de la Palestine.

Ruée sur Gaza

Mais «la réalité sur le terrain» dont parle Susan Rice ne sera pas seulement déterminée par l’avancée de la colonisation. Sur le plan palestinien, cette réalité comprend également la rivalité entre le Hamas (qui contrôle la bande de Gaza) et le Fatah du président Mahmoud Abbas, en Cisjordanie.

La semaine qui vient, aussi bien le président Abbas que le chef du Hamas en exil, Khaled Meshaal (qui n’y a jamais mis les pieds), devraient se rendre toutes affaires cessantes à Gaza. Une manière, sans doute, de démontrer un début d’unité retrouvée, mais surtout d’affirmer leur autorité respective sur cette partie de «l’Etat de Palestine» qui regarde davantage, désormais, du côté de l’Egypte ou du Qatar que de Ramallah.

Les opérations menées récemment par l’armée israélienne à Gaza ont, certes, grandement affaibli le Hamas sur le plan opérationnel, mais l’ont rendu plus populaire que jamais. Or, malgré un soutien de façade, il n’est pas sûr qu’un «Hamasland» siégeant à l’Assemblée générale de l’ONU aurait voté en faveur du projet de Palestine défendu par Mahmoud Abbas à New York.