Une stabilisation à 750 milliards d’euros
Union européenne
Les bourses étaient euphoriques lundi matin à l’annonce du massif plan de stabilisation de la zone euro. Les valeurs bancaires se sont envolées, le marché obligataire a connu une détente spectaculaire, tandis que l’euro s’est vivement renforcé. Après dix heures de négociations, les ministres des Finances de l’UE se sont accordés sur un fonds de stabilisation de 440 milliards d’euros. La Grèce bénéficiera aussi dans l’immédiat de 60 milliards d’euros de facilité de paiements. A cela s’ajoutent 250 milliards d’euros d’aide du FMI
Les chiffres donnent le tournis. Et tel est bien l’objectif. A l’issue de plus de dix heures de négociation, les ministres des Finances des Vingt-Sept ont approuvé dans la nuit la création de plusieurs mécanismes financiers d’urgence pour venir en aide aux pays les plus fragiles de la zone euro, comme l’Espagne ou le Portugal.
Sur le marché des devises, l’annonce a provoqué un immédiat renforcement de l’euro, qui a gagné près de 2% face au dollar. Les bourses européennes ont ouvert lundi matin en très forte hausse. Les places d’Athènes, de Lisbonne et de Madrid ont gagné jusqu’à 8% dans la matinée, tandis que Madrid s’est emballée à +11%. Les valeurs financières ont particulièrement bénéficié de l’annonce: Santander, BBVA et Banco Popular ont gagné jusqu’à 20%, Crédit Agricol et Société Générale quelque 15%, tandis que Commerz Bank et Deutsche Bank prenaient 7 et 9% respectivement.
Les taux des obligations d’Etat grecques sur dix ans enregistraient lundi matin une détente spectaculaire, revenant à leur niveau d’il y a un mois, soit quelque 6,6% contre plus de 12% vendredi.
Au total, l’Union européenne pourrait mobiliser dans les trois prochaines années jusqu’à 600 milliards d’euros sous formes de prêts pour les pays assiégés. En plus des 80 milliards déjà approuvés pour la Grèce, 60 milliards seront disponibles très vite, dans le cadre de la facilité d’ajustement à la balance des paiements gérée par la Commission européenne. Ils s’ajouteront au «réservoir» de 50 milliards d’euros géré par la Commission pour secourir les pays restés hors de la monnaie unique. Une manne activée notamment en octobre 2008 pour venir au secours de la Hongrie.
Le volet le plus important du dispositif est toutefois, de très loin, la création d’un Fonds de stabilisation européen qui, une fois institué, pourra emprunter sur les marchés financiers à hauteur de 440 milliards de dollars, avec la garantie des Etats membres de la zone euro et d’autres Etats volontaires de l’Union, comme la Suède ou la Pologne. Le Royaume-Uni a en revanche affirmé qu’il n’y participerait pas.
Ce fonds sera une nouvelle entité communautaire «ad hoc», pour laquelle la Commission européenne doit maintenant faire des propositions. Les garanties dont il bénéficiera pour emprunter seront délivrées par les Etats. «La base de ce mécanisme sera clairement intergouvernementale» a confirmé la ministre française des Finances Christine Lagarde vers trois heures du matin.
Chacun des pays impliqués soumettra donc ce dispositif pour approbation à son parlement. Puis des critères de conditionnalité drastiques seront imposés aux Etats en difficulté désireux de l’activer. La mise en œuvre de ce Fonds de stabilisation pourrait être à l’avenir confiée à la Commission. L’option d’abord évoquée de permettre à cette dernière d’émettre massivement des obligations européennes, a toutefois été abandonnée, notamment devant les réticences de l’Allemagne, des Pays-Bas et de la Finlande.
«Les Allemands ne se sentaient pas à l’aise avec un dispositif communautaire classique» expliquait à l’aube un diplomate. Proposé par Berlin, ce Fonds de stabilisation inédit ressemblera plutôt, dans sa formule finale, à une sorte de Fonds monétaire européen activable à la demande, comme l’avait proposé voici quelques semaines le ministre des Finances Wolfgang Schaüble, dont l’hospitalisation en urgence à Bruxelles hier a retardé de plusieurs heures les débats. Son caractère hybride, qui s’appuie sur la Commission sans lui en céder complètement les rênes, et qui se base sur des garanties plutôt que sur des réserves tangibles, pourrait néanmoins s’avérer un compromis compliqué à mettre en œuvre, même si, affirment les ministres européens «la leçon de la Grèce a bien été comprise». «Ce cadre, une fois fixé, nous permettra de réagir rapidement» juge le grand argentier belge Didier Reynders.
Pour parachever ce rempart financier destiné à protéger l’euro des spéculateurs, le Fonds monétaire international (FMI), la Banque centrale européenne (BCE) et le G7 ont également décidé d’agir. Le FMI interviendra au bénéfice des pays menacés de la zone euro à hauteur de 220 milliards d’euros, soit 50% du montant total des garanties apportées par l’UE à travers son fonds de stabilisation.
La BCE mènera «des interventions sur le marché obligataire privé et public de la zone euro» et a réactivé des mécanismes d’échanges de devises avec les banques centrales des Etats-Unis, du Canada, d’Angleterre et de Suisse pour permettre à la zone euro de se procurer plus facilement des dollars. Autant d’initiatives saluées par le G7 dans un communiqué.
L’ultime partie du dispositif, annoncé juste après l’ouverture de la Bourse de Tokyo, est le resserrement des conditionnalités et l’engagement des pays les plus vulnérables à faire davantage d’efforts. Toute une partie de la soirée, les Vingt-Sept ont discuté du cas de l’Espagne et du Portugal, priés d’annoncer très vite de nouveaux sacrifices pour réduire leurs déficits en 2010 et 2011, de l’ordre de 1 à 2%. Cela devrait être fait lors du prochain conseil Ecofin du 18 mai à Bruxelles. Auparavant, la Commission européenne annoncera le 12 mai une nouvelle série de propositions pour encadrer davantage les transactions financières et «moraliser» les agences de notation, accusées de manipuler leurs «ratings» et d’affoler les marchés.