Une suspension des accords de Schengen dans le viseur de la Commission
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C'est le Financial Times qui l'écrit: la réunion des ministres de l'Intérieur de l'UE demain pourrait marquer le premier pas vers une suspension durable des accords de libre circulation. Athènes serait la première concernée, mais pas seulement

Dans son article paru initialement le 1er décembre (article payant), le FT s'appuie sur des documents qui auraient fuité, selon lesquels la Commission s'apprêterait à sonder les ministres de l'Intérieur de l'UE ce vendredi en vue d'une éventuelle réimposition des contrôles aux frontières à l'intérieur de l'espace Schengen (26 pays, dont la Suisse).
The EU is threatening the first-ever suspension from the Schengen passport-free travel zone https://t.co/ISm01XJfPf pic.twitter.com/CwWtcd1gjr
— Financial Times (@FT) December 1, 2015
La Grèce suspendue par sa faute
C'est la Grèce qui serait à l'origine de ce geste inédit: en refusant à plusieurs reprises l'aide de l'agence Frontex pour renforcer ses frontières, prises d'assaut depuis des mois par des milliers de migrants qui fuient la mort en Syrie, en Irak ou ailleurs, Athènes aurait mis ses partenaires européens dans une situation impossible, confrontés à un exode sans fin, de quoi mettre à mal leurs finances et leur opinion publique. Le système est grippé depuis des mois, le principe de Schengen reposant normalement sur des contrôles à l'extérieur et la liberté à l'intérieur.
Greece`s border is #Schengen 's external border. If #Greece is not able to manage the border by itself, it should accept European help
— Guy Verhofstadt (@GuyVerhofstadt) December 2, 2015
Lire: Une Europe sans Schengen, avec un retour des frontières, est-elle possible?
C'est en raison de ces graves manquements que Bruxelles envisagerait a minima de suspendre la Grèce, selon ce que prévoit l'article 26, mais peut-être aussi, et c'est ce qui justifie l'émoi du Financial Times, le système Schengen lui-même, ce qui laisserait à ses membres le choix de réinstaurer des contrôles ad libitum, pour une durée qui pourrait atteindre deux ans.
D'un point de vue technique et juridique, il est en effet plus facile et rapide d'imposer des changements à tout l'espace Schengen que de suspendre, voire d'exclure un de ses membres.
Désintégration en vue
Des restrictions existent déjà, au titre d'exceptions qui sont limitées dans le temps, ainsi l'Autriche, la Suède, l'Allemagne ont pris des mesures de rétablissement des contrôles depuis cet été en raison de la crise migratoire, comme la France en raison de la COP21. Mais la proposition de Bruxelles est d'une nature très différente, elle ferait de l'exception une règle, ce serait la première fois en 20 ans que l'espace de libre circulation serait durablement entravé.
La Grèce de son côté proteste de ses efforts, affirmant qu'elle remplit ses obligations européennes et clamant qu'elle n'a jamais été officiellement avertie d'une quelconque suspension.
#Greece govt denies reports of #Schengen suspension threats. Blames them on those threatening Schengen suspension. pic.twitter.com/cg018XxUsS
— Peter Spiegel (@SpiegelPeter) December 2, 2015
Selon le FT enfin, Athènes mise au pied du mur serait désormais moins réticente à accepter des renforts de l'agence Frontex notamment à sa frontière nord avec la Macédoine.
Lire tout l'article du FT (payant): EU ministers eye temporary Schengen suspension
Des réactions contrastées: Athènes, bouc-émissaire
L'Europe veut simplement faire porter à la Grèce un chapeau qui n'est pas le sien, écrit dans un commentaire le correspondant du Guardian à Athènes, Apostolis Fotiadis. Selon lui, jamais Frontex n'a fourni à la Grèce les moyens nécessaires, comme les machines à empreintes digitales ou les garde-frontières - les Etats-membres devaient en prêter 775, seuls 133 étaient en place à la mi-novembre... Les pays qui sont censés accueillir des migrants d'abord arrivés en Grèce ne le font pas. Athènes a refusé les ridicules conditions posées par Frontex de filtrage des arrivants - l'exclure de Schengen n'aura de conséquences que sur le flux des touristes.
Lire tout l'article: Kicking Greece out of Schengen won’t stop the refugee crisis
L'expert britannique Steve Peers, lui, se pose dans son blog EU Law Analysis la question de la légalité de la remise en cause de Schengen. Il est faux selon lui de reprocher à la Grèce de ne pas tenir ses frontières extérieures quand elle ne renvoie pas les migrants: les demandeurs d'asile doivent toujours pouvoir entrer dans l'Union, même ceux qui font leur demande à la frontière, la Grèce n'a aucune obligation de les renvoyer, ce n'est pas Athènes qui est fautif, ce sont les textes réglementant l'asile qui ne sont pas fonctionnels. La Convention de Dublin (qui gère l'asile) avait été pensée à une autre époque, pour des flux d'une bien moindre ampleur.
Lire tout l'article: Can Schengen be suspended because of Greece? Should it be?