Les émissaires internationaux se succèdent sans interruption depuis plusieurs jours au Caire. Objectif: tenter d’amorcer un dialogue entre les Frères musulmans et les nouvelles autorités, installées à la tête de l’Etat par l’armée après la destitution de Mohamed Morsi, le 3 juillet dernier.

La cheffe de la diplomatie européenne Catherine Ashton a ouvert le bal, suivie du ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, puis d’une délégation de l’Union africaine (UA). C’était au tour de l’émissaire spécial de l’Union européenne Bernardino Leon et de l’adjoint du secrétaire d’Etat américain William Burns de faire le voyage samedi passé. Les sénateurs américains Lindsey Graham et John McCain sont quant à eux attendus pour des entretiens ce mardi.

Frères déterminés

Mais pour l’instant, c’est l’impasse. Depuis fin juin, les heurts en marge des mobilisations rivales pro et anti-Morsi ont fait plus de 250 morts, principalement des membres de la confrérie. Galvanisés par leurs martyrs, les partisans des Frères sont déterminés à poursuivre leurs sit-in dans la capitale. En face, les nouvelles autorités menées par le général Abdel Fattah al-Sissi perdent patience et menacent de déloger les manifestants par la force. Face au risque de bain de sang, les diplomaties étrangères, si elles ne parviennent pas à renouer le dialogue, espèrent au moins éviter l’affrontement direct.

L’émissaire américain William Burns s’est entretenu avec le général Abdel Fattah al-Sissi, le priant d’associer toutes les forces politiques à sa feuille de route, qui prévoit une nouvelle Constitution et des élections générales d’ici au début de 2014. Puis il a demandé à parler avec l’adjoint du guide suprême des Frères musulmans emprisonné, Khairat al-Chater. Mais le numéro deux de la confrérie a refusé de négocier avec la délégation, dont faisaient aussi partie les ministres des Affaires étrangères qatari et émirati ainsi que l’émissaire de l’UE Bernardino Leon. «L’Egypte a un président et son nom est Mohamed Morsi», a déclaré Khairat al-Chater, depuis la prison où il est incarcéré.

L’homme, considéré comme l’idéologue de la confrérie, sera jugé à partir du 25 août avec d’autres figures islamistes pour «incitation au meurtre» de manifestants anti-Morsi, lors d’une attaque de leur QG au Caire le 30 juin, journée de manifestations massives qui a conduit à la destitution de Mohamed Morsi.

Garanties demandées

Officiellement, les Frères réclament le retour de leur leader comme préalable à toute discussion. Ils redoutent un scénario semblable à celui de 1954, quand Nasser interdisait la confrérie et jetait ses dirigeants en prison. Mais d’après une source bien informée, les islamistes seraient prêts à sacrifier l’hypothèse d’un rétablissement de Mohamed Morsi à la tête de l’Etat en échange de garanties de la part de l’armée. «Les Frères musulmans ne sont pas opposés à de nouvelles élections, d’autant plus qu’ils représentent encore la principale force politique du pays. Mais ils exigent le maintien de leur Constitution, et surtout l’assurance que s’ils gagnaient de nouvelles élections, ils ne verraient pas leur victoire confisquée à nouveau.» Selon cette même source, l’armée devra faire le premier pas vers l’ouverture du dialogue.