Le gouvernement polonais aurait l'intention de faire modifier la Convention européenne des droits de l'homme «de manière à autoriser la peine de mort», selon Przemyslaw Gosiewski, un proche collaborateur du nouveau premier ministre Jaroslaw Kaczynski, frère jumeau du président Lech Kaczynski. A défaut d'obtenir un changement de la Convention qui bannit la peine capitale en Europe, la Pologne souhaite «du moins faire relever cette question des législations nationales». Cette déclaration a suscité l'indignation auprès du Conseil de l'Europe à Strasbourg, dont le président René van der Linden parle d'acte «sérieusement rétrograde», et à la Commission européenne, à Bruxelles, qui rappelle «l'incompatibilité absolue entre l'UE et la peine de mort».

Radicalisation

Ce n'est là pourtant que le dernier avatar de la dérive autoritaire du gouvernement national populiste des jumeaux Kaczynski qui n'a pas attendu le vote de confiance du parlement polonais au nouveau premier ministre, le 19 juillet, pour multiplier les exemples de radicalisation. Chef du gouvernement et président du populiste parti Droit et Justice, Jaroslaw Kaczynski s'appuie fortement sur deux formations extrémistes, l'ultra-catholique Ligue des familles polonaises et les nationalistes de Samoobrona, auxquelles il laisse la bride sur le cou. Dans son discours d'investiture, il avait d'ailleurs averti que si son gouvernement entendait jouer un rôle actif dans l'Union européenne et notamment pour la recherche d'un nouveau consensus autour de la Constitution, «la Pologne devra conserver sa pleine souveraineté en termes de culture et de morale». Et notamment protéger le mariage traditionnel «qui est l'union entre un homme et une femme».

Bruxelles a quelques raisons de s'inquiéter de l'évolution de la Pologne, et le président de la Commission, José Manuel Barroso, a d'ailleurs annulé une visite à Varsovie prévue à la fin août. Même si le gouvernement des jumeaux Kaczynski, toujours plus eurosceptique, n'a jamais remis en question l'intégration européenne, il entend bien désormais mener une «politique nationale au sein de l'UE». Le premier acte du nouveau gouvernement a été d'opérer une purge des «collaborateurs déloyaux», en fait les proeuropéens, au sein du Ministère des affaires étrangères (LT du 27.07.2006).

Début juillet, au Parlement européen, le député de la Ligue des familles polonaises (LPR) Maciej Giertych, qui n'est autre que le père de Roman Giertych, vice-premier ministre et ministre de l'Education, avait provoqué un petit scandale en se lançant dans un véritable panégyrique de la dictature de Franco en Espagne et de celle de Salazar au Portugal, derniers remparts des valeurs traditionnelles à ses yeux. En novembre 2005, la LPR avait déjà joué de la provocation en organisant une exposition où l'avortement était comparé à la Shoah.

Sur le plan interne, le gouvernement, qui a clairement signalé sa volonté de procéder à un grand nettoyage des «forces obscures» au sein de l'Etat, a chargé Antoni Macierewicz, surnommé «le liquidateur», de purger les services secrets des anciens agents communistes et de créer deux nouvelles structures de services secrets.

La quatrième République

Les jumeaux Kaczynski n'ont jamais caché leur ambition de mettre en place la «quatrième République», soit remplacer «un système corrompu, composé de politiciens carriéristes, de postcommunistes, d'anciens bureaucrates des services secrets et d'organisations criminelles» qui seraient à la tête de la Pologne depuis la fin du régime communiste, selon eux.

«La quatrième République est censée être républicaine plutôt que libérale et laisserait davantage de poids à l'Etat dans l'économie... Dirigée par le haut, elle connaîtrait une part d'autoritarisme tout en étant guidée par un mélange de conservatisme, de populisme et de nationalisme», écrit Waldemar Kuczynski, ancien ministre de la Privatisation.

Pour réussir, ce n'est pas le moindre des paradoxes, la politique des jumeaux Kaczynski peut compter sur la croissance provoquée par les importantes subventions de l'UE.