Société
Le journaliste français Aymeric Caron est en pointe du combat pour le respect des animaux. En dénonçant au passage le dévoiement de l’écologie politique

«La vie d’une vache est aussi précieuse que la nôtre», affirme Aymeric Caron dans Antispéciste (Ed. Don Quichotte). Dialogue avec un auteur dont le combat va bien au-delà des habitudes alimentaires.
- Le Temps: Etre «Antispéciste», c’est refuser notre société telle qu’elle est?
- Aymeric Caron: C’est d’abord éprouver pour les animaux une compassion proportionnelle à celle que j’éprouve pour l’espèce humaine. Donc oui, cela va bien au-delà du changement de nos habitudes alimentaires. L’antispécisme est une éthique morale, philosophique, une écologie essentielle qui mène à une future bio-démocratie. J’ai bien conscience que mon approche est sans doute trop révolutionnaire. Mais je suis frappé par l’écho que mes arguments trouvent de plus en plus dans le public. La défense de la cause animale conduit à aborder de nombreux problèmes rencontrés par nos sociétés modernes. Elle remet le système en cause. Ce qui en fait une démarche résolument politique.
- N’y a-t-il pas, tout de même, une forme d’intégrisme chez les défenseurs de la cause «vegan» ou végétalienne?
- On m’a adressé ce reproche après la publication de «No Steak» (Ed. Fayard). Et alors? En quoi est-ce intégriste de défendre une autre approche de l’alimentation, un autre mode de vie? Les végétariens et les végétaliens ont été longtemps moqués. Or ces critiques acerbes ne résistent pas à l’examen scientifique. Je comprends que les «vegans» vantent leurs performances sportives égales à celles des carnivores. Ils répondent ainsi à des décennies de fausses accusations. Nous accuser d’intégrisme, c’est déplacer le débat et refuser la discussion. D’autant que le rapport est en train de s’inverser. Aujourd’hui, je le vois autour de moi, celui qui dérange est souvent celui qui mange de la viande. On n’est plus obligé de s’expliquer et de se justifier comme avant. Les abus de l’industrie alimentaire ont confirmé ce que j’écrivais dans «No Steak»: le végétarisme est appelé à devenir la norme.
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- Certes, mais pour l’heure, le succès des campagnes de L214 est surtout dû à la compassion face à la souffrance animale dans les abattoirs…
- Réfléchissez. Que montrent vraiment ces images? Elles témoignent des mensonges de la filière viande et de nos gouvernants. Aucun de ces films n’a été trafiqué. On voit du sadisme. On voit de la souffrance infligée à des animaux prétendument «non humains». Or cela, de plus en plus de gens ont du mal à l’accepter. Je veux redire ce que j’explique dans mon livre: je milite pour qu’aucune espèce ne dispose d’un droit à exister supérieur à celui d’une autre. J’affirme que l’empathie pour les animaux nous rend plus humains.
- N’est-ce pas une autre forme de revendication écologiste?
- L’antispécisme est surtout une dénonciation de l’écologie politique. Les «Verts», en se focalisant sur les chiffres et les statistiques, ont oublié l’importance de la cause animale. Ils sont devenus des politiciens classiques, soumis aux mêmes tentations, et finalement incapables de surmonter les blocages culturels, en particulier dans un pays de grande tradition agricole comme la France. Lutter contre le réchauffement climatique n’est qu’une partie de l’équation. Défendre le droit de vivre les animaux, c’est refuser au contraire de façon radicale que l’on continue de bouffer la terre jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien.