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Le Venezuela tente de se faire entendre

En marge du Conseil des droits de l’homme, la procureure générale du pays, Luisa Ortega Diaz, justifie les méthodes employées par la police contre les manifestants

A Genève, le Venezuela tente de se faire entendre

Nations unies Exercice d’auto-justification

Le Venezuela va-t-il suivre le mouvement qui a commencé dans certains pays arabes et s’est poursuivi jusqu’en Ukraine? Alors que les opposants manifestent depuis un mois dans les rues de Caracas et des principales villes du pays contre le président Nicolas Maduro (bilan officiel: 28 morts et 365 blessés), la question a atteint le Palais des Nations à Genève. La semaine dernière, alors qu’était négociée au Conseil des droits de l’homme une déclaration à propos de l’Egypte, les Etats latino-américains se sont tenus ostensiblement à l’écart de la discussion. «Nous ne voulons pas créer d’amalgame avec ce qui se passe plus près de chez nous», commentait un diplomate d’Amérique du Sud.

En visite à Genève, la procureure générale du Venezuela, Luisa Ortega Diaz, a rejeté ce genre de comparaisons d’un revers de main. Les manifestations qui font trembler son pays «sont violentes, agressives et mettent en danger la liberté de ceux qui n’y participent pas», s’exclamait-elle. La police a saisi des armes à feu, des cocktails Molotov et même des matières explosives («un kilo de C4»): la magistrate a suggéré qu’elles étaient «financées avec de l’argent provenant des Etats-Unis». «Au niveau international, ces manifestations ont été mal interprétées», constatait-elle, en semblant ainsi expliciter le motif de sa venue à Genève.

Alors que les démocraties de type occidental ont d’ordinaire trois pouvoirs distincts (législatif, exécutif et judiciaire), la Constitution en donne cinq au Venezuela, dont le Ministère public de Luisa Ortega Diaz. Elle résumait: «Je représente exclusivement le pouvoir des citoyens.»

Membre cette année du Conseil des droits de l’homme, le Venezuela semble déterminé à exploiter cette enceinte pour défendre sa cause. Mais sa participation reste modérée. Les critiques de la haut-commissaire aux Droits de l’homme, Navy Pillay, qui déplore «l’usage excessif de la force» de la part de la police? Elles ont été ignorées. Les volontés de mener l’enquête de la part du rapporteur spécial sur la torture Juan Mendez? Il a été interdit d’entrée au Venezuela. Idem pour les craintes qui se font jour sur les conditions de détention de l’un des principaux opposants du pays, Leopoldo Lopez, placé sans jugement dans une prison militaire. «Il existe des menaces sur sa vie. L’Etat a décidé de le mettre en sécurité dans ce centre», justifiait la procureure.

«Trop de liberté»

De manière générale, «il y a trop de liberté d’expression dans mon pays, poursuivait la représentante des citoyens. Les offenses faites publiquement au président Hugo Chavez [mort il y a un an] n’ont pas de précédent dans l’histoire de l’humanité.»

Sous l’impulsion notamment de la Suisse, un texte est débattu au palais sur la libre expression et le droit à manifester. Après l’Egypte, après Bahreïn, après l’Ukraine, l’enjeu est d’importance et il cristallise une bonne partie des passions au cours de cette session du conseil. Le Venezuela, jusqu’ici, n’a pas participé aux réunions.