Le choc fut à la mesure de la surprise. Vienne, la ville la plus agréable du monde, comme le vantent années après années les classements internationaux, la ville où on se sent en sécurité vous diront, à raison, ses habitants. Et pourtant, à son tour la capitale autrichienne a été frappée par «une attaque terroriste répugnante» selon l’expression utilisée par le chancelier Sebastian Kurz. Plusieurs attaques en plein centre historique ont fait au moins 4 morts, «un monsieur âgé, une dame âgée, une serveuse, un jeune passant» a égrainé Sebastian Kurz, saluant également les blessés, le visage solennel ce mardi, avant de déposer une couronne de fleurs avec le président autrichien Alexander Van der Bellen sur la Schwedenplatz.

Des zones d’ombres persistent

C’est non loin de là que lundi, vers 20 heures, des premiers coups de feu ont retenti dans la Seitenstettengasse, rue du centre qui abrite la principale synagogue de Vienne: le Stadttempel. La police identifie 5 autres lieux - tous dans l’Innere Stadt, le centre historique - où des fusillades ont éclaté. Des témoins décrivent dans la presse autrichienne des coups de feu tirés dans la rue ou aux abords de terrasses. Mais plusieurs questions restent sans réponse. Le Stadttempel était-il visé ? Le président de la communauté juive de Vienne, Oskar Deutsch avait précisé, dès lundi soir, que cette synagogue, à l’heure où les tirs ont eu lieu, était fermée. Pour l’heure, rien ne confirme qu’elle était bel et bien ciblée. L’IKG, l’organisation représentative des juifs d’Autriche, a tout de même décidé, par précaution, de fermer mardi toutes les synagogues du pays.

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Un suspect a été abattu par les forces de l’ordre lundi soir mais ce n’est que mardi que le voile s’est levé sur son identité: ce jeune homme, dépeint par le ministre de l’intérieur Karl Nehammer comme «un sympathisant» de l’état islamique - le groupe État islamique a revendiqué mardi soir la responsabilité de ces attaques - était âgé de 20 ans. Originaire de Macédoine du Nord, il avait également la nationalité autrichienne. Il avait été condamné en 2019 pour avoir tenté de rejoindre la Syrie. Lorsqu’il a été abattu, il était armé d’un fusil d’assaut et portait une ceinture explosive factice.

Dix-huit perquisitions et 14 arrestations ont eu lieu dans son entourage selon Karl Nehammer. Et en Suisse, la police a arrêté mardi après-midi à Winterthour deux hommes de 18 et 24 ans, soupçonnés d’être liés à l’attentat. C’est une unité spéciale qui a procédé aux arrestations en accord avec les autorités autrichiennes. Le lien exact entretenu entre ces deux hommes, l’assaillant abattu lundi et les suspects arrêtés à Vienne fait l’objet de l’enquête.

Un choc profond

Pour la capitale autrichienne, une chose est sûre: l’onde de choc se fait encore sentir. Il faisait doux lundi et les viennois étaient sortis nombreux pour profiter d’une dernière soirée de liberté car dès le lendemain, le pays devait se reconfiner: fermeture des bars et restaurants, couvre-feu de 20h à 6h du matin afin de faire face à la deuxième vague de l’épidémie de coronavirus.

Mais l’horreur a frappé et elle a frappé une ville qui sans doute ne s’y attendait pas. La capitale et l’Autriche toute entière ont été épargnées par les attentats de grande ampleur qui ont frappé ces dernières années des pays comme la France. Le choc est donc brutal mais Sebastian Kurz s’est voulu rassembleur ce mardi: «Nous n’autoriserons jamais cette haine à gagner du terrain», a-t-il avancé. «Nous devons être conscients que ce n’est pas un conflit entre les chrétiens et les musulmans ou entre les Autrichiens et les migrants (...) «Notre ennemi - l’extrémisme islamiste - ne veut pas seulement semer des morts et la douleur, il veut diviser notre société». Un ton qui n’est pas si habituel dans la bouche du jeune chancelier conservateur.

Un message d’unité qui s’exprime bien au-delà des frontières autrichiennes, il suffit de lire les très nombreux messages de soutien reçus de l’étranger et notamment d’Europe. Celui de la chancelière allemande Angela Merkel, pour qui la lutte contre le terrorisme islamiste est «notre combat commun». Ou bien encore celui du président français Emmanuel Macron: «Nos ennemis doivent savoir à qui ils ont affaire. Nous ne céderons rien». L’Autriche, elle, se recueille désormais: trois jours de deuil national ont été décrétés ce mardi.