Bref, les temps sont durs. Le premier ministre l'a reconnu lui-même mercredi en ouvrant sa huitième conférence de presse mensuelle: «Les circonstances sont difficiles.» Pour la première fois depuis qu'il se livre, non sans talent et avec une belle régularité, à ce genre d'exercice, il est apparu sur la défensive. La veille, dans une interview au quotidien Ouest-France, il avait déjà assuré: «Je ne baisse jamais les bras.» Il l'a redit hier avec d'autres mots: «Comme chef du gouvernement, je veux être guidé par une exigence de sérénité et de détermination. Et surtout, je veux être juste. [...] Mon objectif, c'est tous les jours essayer de faire mieux, avec humilité et ambition.»
Nommé à l'Hôtel Matignon le 1er juin 2005, au lendemain de la victoire du non au référendum sur la Constitution européenne, Dominique de Villepin a pourtant connu un bel état de grâce en succédant à Jean-Pierre Raffarin. On le disait hautain, il s'est révélé à l'écoute. On le décrivait comme un technocrate lointain, on l'a vu se métamorphoser et prendre goût aux bains de foule. Mardi par exemple, au Salon de l'agriculture où le président Jacques Chirac avait passé quatre heures samedi dernier, il n'a pas été loin de battre le record, flattant l'arrière-train des bovins, prenant une brebis sur ses épaules, avalant au passage bière, lait, vin rouge, croquant à belles dents fromages, fruits et surtout poulet, pour exorciser devant les caméras de télévision la peur du virus H5N1.
Du coup, depuis quelques mois, les sondages faisaient mieux que frémir en faveur du premier ministre, qui avait fini par apparaître comme un rival potentiel pour son ministre de l'Intérieur, numéro deux du gouvernement, Nicolas Sarkozy, lui-même fragilisé depuis plusieurs mois par ses problèmes conjugaux, mais toujours largement favori à droite. Plusieurs sondeurs confiaient même ces derniers temps: «Les gens nous disent que, contrairement à Sarkozy, Villepin, avec son 1m90, ses cheveux argentés et son allure sportive, «fait» président.» A l'Elysée, on commençait à s'inquiéter - tout en s'en réjouissant officiellement - de la popularité de Dominique de Villepin. Celui-ci, selon certains conseillers du président de la République, pourrait être amené, pour imposer sa candidature à la présidentielle, à prendre ses distances avec un chef de l'Etat auquel il doit tout.
En baisse dans les sondages
Tout cela n'est plus d'actualité. Comme bien d'autres premiers ministres avant lui, Dominique de Villepin est au charbon et il rame, répétant partout que, de toute façon, il n'est candidat à rien et qu'il se consacre entièrement à la «mission» que lui a confiée Jacques Chirac. Il plonge dans les sondages (entre moins 6 et moins 11 points selon les instituts de sondage). Mais c'est le cas de tous les leaders de droite, Nicolas Sarkozy compris. Le 7 mars, le gouvernement subira une grande manifestation contre le CPE dont le succès ou l'échec aura valeur de test. A quatorze mois du premier tour de l'élection présidentielle, la candidature Villepin n'est plus vraiment à l'ordre du jour. Mais tout peut toujours changer très vite dans la politique française. Aussi cette candidature n'est-elle donc pas non plus totalement enterrée.