Les grands argentiers de l’Union européenne savaient leur tâche compliquée. Mais elle s’est transformée, dimanche soir, en quasi-marathon. Malgré les consignes claires de leurs chefs d’Etat ou de gouvernement qui, vendredi soir, avaient promis aux spéculateurs une riposte d’envergure afin de stopper l’hémorragie financière ouverte par la crise grecque, les négociations se poursuivaient encore dimanche à Bruxelles vers 22 h 30, augmentant le suspense sur l’avenir de la monnaie unique. Une prolongation largement due à l’hospitalisation subite dans la capitale belge du ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, handicapé depuis un attentat en 1990, et son remplacement in extremis autour de la table par le ministre de l’Intérieur, Thomas de Maizières, arrivé vers 20 heures. Ce qui a tout retardé.

L’affaire, il est vrai, ne pouvait être réglée après quelques délibérations. Car c’est un véritable dispositif d’urgence, mobilisant toutes les instances communautaires au service de la défense de la monnaie unique, que les Vingt-Sept étaient, selon des sources diplomatiques, en train d’approuver en fin de soirée, conscients de la nécessité d’être forts et unis au rendez-vous de l’ouverture des bourses lundi matin. Dimanche, le président américain, Barack Obama, avait d’ailleurs de nouveau téléphoné à ce sujet à la chancelière allemande, Angela Merkel. Tandis que celle-ci, ébranlée par sa défaite aux élections régionales en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, confirmait, vers 19 heures, son «plein accord» avec le président français, Nicolas Sarkozy, sur les mesures à prendre. Le tout dans la confusion des chiffres et des plans, allant de 100 milliards à 500 milliards d’euros!

Le maître d’œuvre de la journée aura toutefois été la Commission européenne, emmenée par son président, José Manuel Barroso. Celle-ci, pressée vendredi d’accoucher de propositions et de nouvelles réglementations a poussé pour l’adoption d’un «plan ambitieux» visant, sous forme d’emprunts communautaires, de prêts bilatéraux garantis et d’une intervention de la Banque centrale européenne (BCE), à colmater les digues autour des pays les plus endettés, comme l’Espagne ou le Portugal.

«La philosophie, c’est la riposte globale», confiait vers 22 heures un diplomate. L’approbation des Vingt-Sept à la majorité qualifiée (55% des membres du Conseil, comprenant au moins 15 d’entre eux, et représentant au moins 65% de la population de l’UE) était indispensable pour mettre au point ce dispositif de sauvetage au sein de l’Eurozone. D’abord parce que la Commission devrait se retrouver «prêteur de dernier recours». Ensuite parce que tous les pays membres sont actionnaires de la BCE.

Or qui dit Vingt-Sept dit divergences d’appréciation: le Royaume-Uni, confronté à une délicate transition politique, s’est ainsi dit très tôt hier opposé à l’idée de participer au fonds d’urgence de l’Eurozone, mais d’accord pour l’octroi de garanties.

L’autre volet resté en suspens en milieu de soirée concernait la gouvernance économique, prolongement politique naturel de ce plan de sauvetage. Ni la nature des futures sanctions prévues contre les Etats surendettés, ni le type de supervision financière qu’opérera désormais la Commission européenne n’étaient connus avant de boucler cette édition.