Au moment où les syndicats grecs appellent à une nouvelle grève générale pour le 20 mai, le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan entame, vendredi, une visite historique à Athènes. Il va rencontrer son homologue grec Georges Papandréou confronté à une crise majeure dans son pays.

Entre les deux pays, le contentieux ne date pas d’aujourd’hui. Les survols par l’armée de l’air turque de la mer Egée sont les plus récents et les plus sensibles à l’exception de Chypre. Le différend à propos de la souveraineté d’îlots en mer Egée avait presque provoqué un conflit armé entre Athènes et Ankara en 1996. Président de la Fondation hellénique pour la politique européenne et étrangère, Loukas Tsoukalis le confiait au Temps voici peu: «Le problème, avec de tels survols, c’est qu’on ne sait pas à qui en incombe la responsabilité. Est-ce au gouvernement ou à l’armée qui vise à déstabiliser le pouvoir turc?» La délimitation du plateau continental de cette même mer est aussi un dossier sensible.

Les deux chefs de gouvernement vont donc aborder de front la question de l’armement. Le budget (2,8% du PIB, soit six milliards d’euros) que la Grèce lui consacre est proportionnellement le plus élevé d’Europe. Theodoros Pangalos, vice-premier ministre grec, l’admet: «Ces dépenses ont jusqu’ici été nécessaires du fait de la menace turque.» Les choses pourraient désormais changer. La visite du premier ministre turc arrive à point nommé. Il pourrait appeler à un désarmement réciproque dont les finances grecques, aux abois, pourraient bénéficier. A Athènes, le ministre de la Défense Panos Béglitis a toutefois répondu aux appels turcs avec scepticisme, arguant que les Turcs ne mettent pas en relation la question du désarmement avec la question de la souveraineté grecque en mer Egée.

Georges Papandréou et Recep Tayyip Erdogan vont par ailleurs coprésider une réunion consultative avec dix ministres de chaque côté pour renforcer les liens entre ces deux Etats membres de l’OTAN. Le premier ministre grec est convaincu qu’un rapprochement avec la Turquie est nécessaire. Peu après son élection à la tête du gouvernement grec, il s’était rendu à Istanbul pour rencontrer des hauts responsables turcs. Il avait même osé danser le zeimbekiko, une danse traditionnelle grecque. L’instant avait été capté par les télévisions. Loukas Tsoukalis est persuadé lui aussi que les deux pays sont condamnés à s’entendre. «L’intérêt à long terme de la Grèce est d’avoir comme voisine une Turquie démocratique ancrée au sein de l’Union européenne. C’est pourquoi Athènes soutient la candidature d’Ankara à l’UE.»