George W. Bush avait cru lire «l’âme» de Vladimir Poutine en le regardant «dans les yeux». Barack Obama et Dmitri Medvedev, eux, ont préféré mettre des mots sur leur bonne volonté commune.
Pour leur première entrevue à Londres, juste avant le G20, les présidents américain et russe ont publié une déclaration listant leurs bonnes intentions mutuelles. Avec un objectif affiché, conforme au ton cordial adopté le 7 mars par Hillary Clinton et Sergueï Lavrov à Genève: «Remettre à zéro» le compteur Washington-Moscou, affolé depuis un an par la promesse d’élargissement de l’OTAN à l’Ukraine et à la Géorgie, l’intervention russe en Ossétie du Sud, le projet de bouclier antimissile américain en Europe de l’Est (rejeté catégoriquement par le Kremlin) et la crise gazière qui a paralysé une partie de l’Europe orientale en janvier.
«L’ère où nos deux pays se voyaient comme des ennemis est loin derrière», réaffirme leur texte. Lequel fixe une première échéance à ce dégel: la prochaine reprise des négociations sur un nouvel accord destiné à remplacer le traité de réduction des armes stratégiques (START), conclu en 1991 et qui arrive à expiration en décembre. Ces discussions pourraient, comme au début des années 1980, reprendre vite au bord du lac Léman, où ont déjà lieu depuis l’automne les pourparlers sur le Caucase, postérieurs à la crise géorgienne.
Il faudra toutefois attendre juillet pour valider ce réchauffement. Barack Obama se rendra alors à Moscou à l’invitation du Kremlin, avec sans doute des escales en Europe orientale ou en Asie centrale. Or c’est bien là, de part et d’autre de la Russie, que le bât blesse. Comme risque de le montrer, les 2 et 3 avril, le sommet de l’OTAN.
«Des divergences»
Aussi bien disposés soient-ils, les deux présidents ont ainsi reconnu à Londres que «des divergences subsistent sur le déploiement d’un système de défense antimissile» américain en Pologne et en République tchèque. Barack Obama, attendu à Prague pour rencontrer les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE dimanche, est soupçonné par les Européens de l’Est les plus «atlantistes» de vouloir abandonner ce projet officiellement destiné à contrer une menace iranienne.
La question de l’Asie centrale, avec l’Afghanistan mais surtout l’Iran – dont la Russie est le premier partenaire pour le nucléaire civil –, est aussi empoisonnée, même si les deux leaders ont sommé Téhéran de faire plus «pour convaincre de la nature exclusivement pacifique de son programme nucléaire». Les Etats-Unis ont très mal pris la récente décision du Kirghizistan d’abroger, sous la pression de Moscou, leur location de la base aérienne de Manas, cruciale pour les opérations afghanes. La Russie, bien que durement ébranlée par la crise et en manque cruel de devises, considère cette région riche en hydrocarbures comme sa zone d’influence.
Un autre front s’est enfin ouvert depuis peu: celui de l’Arctique, riche en ressources et en nouvelles routes maritimes ouvertes par le réchauffement climatique. Moscou vient de créer un nouveau corps d’armée pour le Grand Nord. Une preuve supplémentaire des tensions qui ont récemment conduit le commandant en chef sortant de l’OTAN, le général Bantz Craddock, à refuser d’exclure, devant le Congrès américain, «le risque d’une future remise en cause des frontières en Europe et en Eurasie».