L’annonce de la nomination par Donald Trump de Terry Brandstad comme prochain ambassadeur des Etats-Unis à Pékin a été positivement accueillie par le pouvoir chinois ainsi que la communauté d’affaires américaine en Chine. «C’est un vieil ami», ont fait savoir les autorités de Pékin en rappelant que ce gouverneur de l’Iowa âgé de 70 ans a déjà rencontré à deux reprises Xi Jinping.

Soutien de la première heure à la candidature de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, Terry Brandstad n’en diverge pas moins de ses positions sur la Chine. Contrairement au président élu, le gouverneur à la tête d’un Etat agricole dont les exportations dépendent en grande partie du marché chinois n’est pas favorable à une guerre commerciale avec Pékin comme menace de le faire Donald Trump au nom de la préservation des emplois américains. De même, Terry Brandstad soutient l’accord de libre-échange négocié entre Washington et onze pays asiatiques (mais pas la Chine) duquel son mentor promet de se retirer. Faut-il dès lors voir dans cette nomination une première inflexion de Donald Trump envers la Chine, avant même d’avoir accédé à la Maison Blanche?

Retour des néocons

C’est peu probable. Celui qui fut un candidat indépendant avant de rallier le camp républicain s’inscrit dans une tradition bien ancrée dans ce parti considérant la Chine comme le principal concurrent des Etats-Unis depuis la chute de l’Union soviétique. Pour ce courant de pensée, il est illusoire de croire que la Chine communiste puisse évoluer vers une forme de démocratisation sans établir un rapport de force permanent ou un changement de régime. Si tous les républicains ne partagent pas cet avis, loin de là, c’est bien cette ligne qui semble devoir s’imposer. C’est du moins ce dont attestent les conseillers sur la Chine qui entourent Donald Trump.

Dans cette équipe, on retrouve d’anciennes personnalités comme John Bolton, l’ex-ambassadeur auprès de l’ONU et figure emblématique du camp néoconservateur qui dominait la politique étrangère des Etats-Unis sous l’ère de George W. Bush. Celui-ci publiait en janvier une tribune dans le Wall Street Journal appelant à une «escalade diplomatique» contre la Chine en «jouant la carte de Taïwan». Autre représentant ultra-conservateur à appuyer un durcissement envers Pékin, Newt Gingrich, chantre de la «révolution républicaine», qui a récemment déclaré: «Voilà trop longtemps que nous sommes intimidés par Pékin. Nous avons été patients en partie parce que nous avions cette théorie selon laquelle {les Chinois} pourraient s’amollir et devenir plus démocratiques, libres et ouverts. Or, cela ne se produit pas.»

Contenir la Chine

Mais ce camp des faucons – ou des «pourfendeurs de dragons» comme on dit dans le langage des sinologues américains par opposition aux «caresseurs de panda» – voit aussi émerger de nouveaux noms: à commencer par Reince Priebus, promis au poste de chef de cabinet de Donald Trump et qui était en octobre en déplacement à Taiwan avec une délégation des représentants républicains. Au même moment, Edwin Feuler, à la tête du think tank conservateur d'Heritage Fondation et conseiller de Donald Trump, rencontrait la présidente Tsai Ing-wen à Taipei.

A la veille de la victoire de Donald Trump, deux autres de ses conseillers en politique étrangères, Alexander Gray et Peter Navarro publiaient un texte dans la revue Foreign Policy appelant le prochain président des Etats-Unis à réarmer massivement la flotte américaine dans le Pacifique, à contenir la puissance militaire chinoise en mer de Chine du Sud, à soutenir Taiwan et à faire plier la Corée du Nord et son allié chinois.

«Reset» avec la Chine

La discussion téléphonique, vendredi dernier, entre Donald Trump et Tsai Ing-wen – qui a provoqué l’émoi à Pékin où l’île est considérée comme relevant de sa souveraineté – était tout sauf une gaffe diplomatique. C’est un geste calculé pour signifier à la Chine que l’heure d’une remise à plat de leurs relations («reset») est venue.

L’initiative de cet appel est toutefois bien venue de Taipei, puisque c’est un autre vétéran républicain, Bob Dole, ancien candidat à la Maison Blanche, qui a arrangé – contre rémunération (140 000 dollars) – cet entretien pour le compte de la présidence taïwanaise. Depuis l’élection de Tsai Ing-wen, une femme issue du camp indépendantiste, la Chine tente en effet par tous les moyens d’isoler l’île.

Henry Kissinger à Pékin

La rencontre à Pékin il y a une dizaine de jours entre Henry Kissinger (l’homme qui avait piloté la réconciliation sino-américaine au début des années 1970) et Xi Jinping s’inscrit dans un autre registre. Très respecté par le pouvoir communiste qui apprécie son «réalisme», le vieux diplomate représente une forme de continuité de la politique américaine envers la Chine. En contact avec Donald Trump, Henry Kissinger avait affirmé sur CNN qu’il ne fallait pas prendre à la lettre toutes les déclarations de campagne de Donald Trump sur la Chine. «Sans quoi, bien sûr, les désaccords ne vont pas tarder.»