A la veille du 92e anniversaire de la fondation du Parti communiste chinois, Xi Jinping n’y va pas avec le dos de la cuillère. L’agence officielle Chine nouvelle a rapporté au cours du week-end les propos du secrétaire général du parti tenus lors d’une session plénière nationale du Département de l’organisation, la branche «RH» du PCC, qui distribue les postes de choix et les responsabilités politiques aux membres méritants.

«Nous ne devrions jamais juger un cadre simplement à partir de la croissance du PIB», a déclaré le président. Ou encore: «Il faut considérer le travail d’un officiel local sous différents aspects comme le bien-être du peuple, le développement de la société locale (sic) et la qualité de l’environnement.» Et d’insister: «Avant de promouvoir les officiels, les départements de l’organisation du parti devraient considérer l’intégrité puis seulement après les compétences.»

Depuis Deng Xiaoping et ses «Quatre modernisations», les dirigeants suprêmes se sont succédé pour marteler l’impériosité du développement économique, formant des générations d’officiels obnubilés par la croissance à deux chiffres. Dans un pays cantonné désormais à 7,7%, cette déclaration de Xi Jinping est un avertissement pour tous les cadres devant gérer l’urbanisation fulgurante de leurs territoires, garante du PIB, face à une industrie manufacturière en déclin.

Le message entre en résonance avec l’introduction récente, par la Cour suprême, de la peine de mort pour «crime de pollution»! Un châtiment que pourrait subir un jour n’importe quel chef de parti local qui, par exemple, se laisserait corrompre par une usine chimique dont les déchets toxiques déversés dans la rivière empoisonneraient les habitants.

Le Département de l’organisation entend-il réellement ramener vers les meilleurs cénacles communistes des individus plus soucieux de l’environnement et de l’équité sociale que de la juteuse vente des terres aux promoteurs immobiliers?

Pour le sinologue Joris Zylberman, qui décrypte les rouages du parti dans Les Nouveaux Communistes chinois (Ed. Armand Colin, 2012), rien de neuf sous le drapeau rouge. «C’est dans la continuité du plan quinquennal de Hu Jintao [prédécesseur de Xi Jinping]. Il promettait la refonte du système d’évaluation des cadres en introduisant le concept de PIB vert. Des provinces pilotes étaient désignées. Mais celles-ci pouvaient choisir leurs propres critères d’élaboration de ce PIB écologique. Encore une fois, le pouvoir central n’a pas combattu les féodalités locales.»

La nouvelle promesse de Xi Jinping sera donc difficile à tenir. Certes, les médias chinois, contrôlés par le parti, auront peut-être la liberté de se pencher avec sincérité sur l’intégrité des officiels. Mais dans la pratique, une mise au second plan des objectifs de croissance n’affectera en rien une pratique répandue au sein du parti: le commerce des postes influents, véritables aimants à pots-de-vin. Même si, là encore, Xi Jinping est déterminé: «Acheter et vendre des responsabilités doit être puni sans relâche!» Dès novembre, avant même son investiture, il appelait à punir les «mouches» comme les «tigres», soit les petits et haut gradés de l’institution.

Comment alors attirer les bonnes âmes? Chez la jeune génération éduquée, être riche et puissant n’est pas une motivation. Pas plus que l’avènement de la Révolution prolétarienne. Mais dans un environnement très compétitif, la possibilité de voir ses efforts universitaires et professionnels récompensés est une aubaine offerte par le Parti communiste, qui noyaute toutes les structures de la société.

Issue d’un milieu très modeste, Wang Lili, 22 ans, est la meilleure élève de sa promotion. Elle a un rêve: vivre en France. Flairant l’élève modèle, l’antenne du parti de son campus, à Chengdu, l’a convaincue d’adhérer. «Ils m’ont dit que cela m’aiderait sans doute à décrocher une bourse pour aller étudier à l’étranger.» Elle partira à la fin de l’été. Et espère se former pour devenir un jour la correspondante à Paris de la CCTV, la télévision d’Etat.

Face aux espoirs suscités par Xi Jinping, Joris Zylberman appelle à rester lucide: «Après tout, il se comporte en bon soldat du parti. En promettant d’améliorer l’évaluation des officiels, il n’envisage pas un seul instant de l’ouvrir à la supervision populaire.»

«Acheter et vendre des responsabilités doit être puni sans relâche!»