Ce jour-là, le reporter Yasser Mourtaja, âgé de 31 ans,a filmé les blessés. Savait-il que lui aussi pourrait être touché? Une semaine plus tard, le vendredi 6 avril, il est revenu couvrir la manifestation. Il était clairement identifié avec son gilet marqué «press». Cela ne l’a pas empêché de recevoir une balle en plein ventre. Evacué à son tour devant les caméras, il a succombé à ses blessures dans la nuit.
«Personne n’est innocent à Gaza, a jugé dimanche Avigdor Lieberman, le ministre de la Défense israélien, pour justifier la mort du caméraman, avant de préciser qu’il voulait dire que personne n’était «naïf». «Tout le monde est connecté au Hamas», le mouvement islamiste qui contrôle Gaza depuis 2007.
Entre le marteau et l'enclume
Yasser Mourtaja avait couvert la dernière guerre entre Israël et le Hamas en 2014. Il avait récemment fondé sa propre agence, Ain Media, soit «l’œil» en arabe. Il était équipé de deux drones, grâce auxquels il filmait la «marche pour le retour». Est-ce cela qui a causé sa perte, les soldats israéliens se disant menacés par les survols de drones? «D’autres journalistes ont été atteints par des tirs alors qu’ils n’avaient pas de drones», répond Karl Schembri, de l’ONG Norwegian Refugee Council, qui venait de mandater Yasser Mourtaja pour documenter les manifestations.
Neuf journalistes opérant à Gaza avaient péri dans les frappes israéliennes en 2014, rappelle Reporters sans frontières (RSF), qui réclame une enquête indépendante sur la mort de Yasser Mourtaja. A l’intérieur du territoire, les journalistes doivent aussi veiller à la police politique du Hamas. «Ils ont intégré certaines lignes rouges, comme sur la corruption ou sur les tunnels de contrebande, et pratiquent une certaine autocensure, mais cela ne les empêche pas d’être régulièrement interpellés puis relâchés», explique Sophie Anmuth, responsable du bureau Moyen-Orient pour RSF.