Il n’y a aujourd’hui que le murmure de la rivière qui chemine le long de la route. Un presque silence interrompu parfois par une fourgonnette de gendarmerie, une voiture de journalistes ou une bicyclette descendant en roues libres. Là-haut, au sommet de la Combe d’Ire, six jours après le quadruple meurtre de Chevaline, des bouquets de fleurs ont été déposés.
Les reporters, accroupis, se persuadent que ce qu’ils voient là «ce sont bien les tâches de sang» et que la trace encore visible de pneu valide le fait que Saad al-Hilli a bel et bien tenté de manœuvrer pour échapper au (x) tueur(s). Pour le reste, la scène de crime s’imagine. Un policier, ému, dit: «L’autre petite, celle qui a été blessée, est sortie du coma. Elle va peut-être dire ce qui s’est passé» Zainab, 7 ans, a reçu des coups à la tête et une balle dans l’épaule. Elle parlera peut-être mais pas tout de suite, elle est encore sous sédatifs. Elle semble se souvenir et est «terrorisée», a confié Eric Maillaud, le procureur de la République d’Annecy.
Sa petite sœur Zeena qui a passé huit heures sous le cadavre d’Iqbal, sa maman, n’a fait état que de sa terreur selon le procureur. Elle est aujourd’hui de retour en Grande-Bretagne, entourée de proches. L’enquête s’est en partie déplacée là-bas. La maison des al-Hilli, à Claygate, banlieue cossue de Londres, est «étudiée». Saad, 50 ans, d’origine irakienne, immigré au Royaume-Uni depuis les années septante, travaillait à son compte dans le domaine sensible du génie aéronautique et de l’aérospatiale. Des substances potentiellement explosives auraient été trouvées ce lundi dans le pavillon. Tout le quartier a été brièvement bouclé. L’information suivra un peu plus tard: aucune substance dangereuse n’a finalement été découverte. Et puis il y a son frère Zaid, entendu par la police, avec qui Saad aurait eu un grave différend lié à l’héritage familial. The Sun, tabloïd aux informations exclusives pas toujours fiables, a annoncé que Khadhim, leur père, possédait des villas en Espagne et en Suisse et qu’il avait disparu huit jours avant son décès.
L’enquête, en Haute-Savoie, n’est pas interrompue pour autant. Ce week-end, les gendarmes ont ratissé les environs directs du lieu du crime tandis que la caravane des al-Hilli était fouillée et un ordinateur saisi. Les résultats de la balistique ont révélé que les trois membres de la famille – Saad, son épouse et la mère de celle-ci âgée de 77 ans – ont été tués de deux balles dans la tête par une seule arme. Le malheureux cycliste qui passait par là a été touché à cinq reprises dont lui aussi deux impacts dans la tête. Vingt-cinq douilles ont été retrouvées dans et autour de la BMW break des al-Hilli. Un signalement de véhicules suspects a été diffusé aux polices italiennes et suisses.
Eric Maillaud a déclaré ne pas faire d’appels à témoignage «pour ne pas polluer l’enquête». Certains ont vu un 4X4 noir dévaler la pente après le drame, pour d’autres il était blanc et était occupé «par deux types stressés qui portaient des perruques» L’indice pris le plus au sérieux est celui livré par le cyclotouriste britannique qui a croisé un 4X4 et une moto qui descendaient la route. Cet ancien pilote de la Royal Air Force a été le premier à découvrir la scène et secourir Zainab. La presse britannique recherche ce compatriote qui possède une résidence secondaire dans la région. Un agriculteur qui habite à la sortie de Chevaline, tout près de la Combe d’Ire, confie au Temps qu’il a bien vu ce mercredi-là ce cycliste anglais qui parlait avec des automobilistes garés près de chez lui. «J’ai compris qu’il s’était passé quelque chose, le cycliste de la RAF n’avait pas de téléphone portable alors il est redescendu et il est tombé sur ces touristes qui montaient jusqu’au refuge et ils sont repartis ensemble là-haut». Information impossible à vérifier auprès d’Eric Maillaud qui ne répond plus aux questions des journalistes hors des conférences de presse.
Au camping «Le Solitaire du lac», à Saint-Jorioz, à 14 kilomètres de Chevaline, où la famille al-Halli a posé sa caravane le 3 septembre, le directeur ne parle pas avec la presse, à la demande de la police. Plusieurs faits sont cependant vérifiés: les al-Hilli ont déjà séjourné dans le camping l’an passé et Saad s’est longuement entretenu le matin même du drame avec la fille du directeur afin qu’elle lui conseille de nouveaux sites à visiter. Ils sont partis en promenade ce mercredi 5 août en début d’après-midi. Etaient-ils suivis?