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Les ministres des Finances de l’Union européenne ont commencé vers 16h30 une réunion de crise à Bruxelles pour finaliser la création d’un fonds de soutien inédit en faveur des pays membres en difficulté. Tout le week-end, la Banque centrale européenne et la Commission européenne ont travaillé de concert pour riposter, lundi matin, aux attaques des spéculateurs. Mais pour Londres, en pleine transition politique, seuls les pays de la zone euro doivent participer
Après les décisions politiques, voici l’heure des chiffres et des mécanismes communautaires. Convoqués par les dirigeants de la zone euro à l’issue du sommet extraordinaire de vendredi soir, les ministres des Finances des 27 pays de l’Union européenne n’ont pas le droit à l’erreur lors de leur conseil Ecofin, qui a débuté à Bruxelles vers 16h30, un peu plus tard que prévu. Un conseil dont l’objectif se résume à un impératif: convaincre dès l’ouverture des Bourses lundi matin que la monnaie unique ne « craquera pas » sous les attaques des spéculateurs.
L’agenda fixé par les chefs d’Etat ou de gouvernement de la zone euro lors de leur sommet de vendredi est clair: sur proposition de la Commission européenne, et de concert avec la Banque centrale européenne (BCE) que les dirigeants politiques poussent à intervenir, les grands argentiers de l’UE doivent adopter le projet d’un fonds de soutien inédit aux pays en difficulté de la zone euro et, plus largement, un «mécanisme européen de stabilisation destiné à préserver la stabilité financière en Europe».
Ce mécanisme, imposé par les attaques spéculatives de la semaine dernière, reposera sur une clause du Traité européen qui permet à l’Union européenne d’apporter une assistance financière à des pays membres en cas de «difficultés» ou de «menace sérieuse de difficultés». Il ne nécessitera pas une refonte des textes, du fait de l’incertitude, et de la crise politique que ne manquerait pas de provoquer la réouverture d’un chantier institutionnel communautaire.
La mise en place de ce fonds de soutien au sein des seize pays membres de la zone euro, véritable digue anti-spéculation, dépend cependant d’un accord au niveau des Vingt-Sept à la majorité qualifiée, car il devrait être garanti par l’ensemble des Etats de l’Union européenne. La négociation avec le Royaume-Uni, première place financière de l’UE mais non dotée de la monnaie unique, sera en particulier au cœur des débats de cet après-midi. D’autant plus qu’un suspense politique s’est installé à Londres après les élections législatives de jeudi, remportées par les conservateurs, mais sans majorité absolue.
Réticences britanniques
Or avant le début de la réunion, la Grande-Bretagne, en pleine transition, a semblé refuser de participer et d’apporter sa garantie au fonds d’urgence envisagé. «Soyons très, très clairs: s’il y a une proposition afin de créer un fonds de stabilisation pour l’euro, cela doit être du ressort des pays de l’eurogroupe», a déclaré le ministre des Finances britanniques, Alistair Darling. Les Britanniques seraient en revanche disposés à approuver, sur le principe, la création du fonds de stabilisation, précise cette source.
De son côté, la Suède, qui ne fait pas partie de la zone euro, «n’exclut pas» de participer au fonds d’urgence en y apportant sa garantie. Le ministre des Finances suédois, Anders Borg, a indiqué que «s’il est assez clair que nos contribuables ne vont pas payer pour les Grecs», nous avons aussi besoin de ressources pour arrêter la tourmente sur les marchés.»
Majorité indispensable
Les décisions de l’Ecofin seront adoptées à la majorité qualifiée prévue par le Traité de Lisbonne, selon lequel celle-ci «se définit comme étant égale à au moins 55 % des membres du Conseil, comprenant au moins quinze d’entre eux et représentant des Etats membres réunissant au moins 65 % de la population de l’Union ».
L’une des clefs de ce fonds de soutien, estimé entre 60 et 70 milliards d’euros et proche de l’idée d’un Fonds monétaire européen, serait de garantir aux Etats assiégés la possibilité d’emprunter auprès de la Commission européenne, dont les prêts seraient garantis par le budget communautaire ou par les Etats-membres. La BCE s’engagerait de son côté à acheter elle -même directement des obligations d’Etat (ce qu’elle s’est toujours refusé à faire) ou à accepter, en contrepartie de l’octroi de liquidités, des obligations à hauts risques en provenance de pays en situation d’endettement excessif.
Tandis que la chancelière allemande Angela Merkel est à Moscou pour les cérémonies marquant la fin de la Seconde Guerre mondiale, avant de revenir dans son pays pour suivre le résultat des élections régionale cruciales en Rhénanie, le président français Nicolas Sarkozy a lui annulé son déplacement russe afin de suivre de près les tractations des « grands argentiers » à Bruxelles.
Interrogations
Deux grandes inconnues pèsent toutefois sur cette réunion: la première réside dans le type de sanctions « automatiques » que les Vingt-Sept vont instaurer en contrepartie des futures aides du fonds de stabilisation. En clair: jusqu’où ira la gouvernance économique communautaire pour permettre à la Commission, ou à l’eurogroupe, de s’immiscer dans les comptes d’un Etat souverain et de lui imposer une cure de réduction de ses déficits budgétaires, voire de son endettement privé (plaie de l’Espagne et du Portugal, eux aussi visés par les spéculateurs).
La seconde question porte sur l’intensité des attaques des spéculateurs à partir de la réouverture des marchés lundi. Même si la Commission européenne a promis de réglementer durement ce secteur, voire d’intenter des actions en justice, les opérateurs en question vont bien plus vite que la machine communautaire. Le commissaire en charge des services financiers, le Français Michel Barnier, a tonné dimanche matin contre les spéculateurs, promettant des « sanctions de toute nature, quand les preuves seront faites ». Mais beaucoup doutent de la capacité des Etats et de l’exécutif communautaire à faire un tel ménage.
La crise de l’euro, que Nicolas Sarkozy a qualifié vendredi soir de « la plus importante depuis la création de la monnaie unique », ne pouvait en tout cas pas tomber à un moment plus symbolique. L’UE célèbre en effet aujourd’hui les 60 ans de la fameuse déclaration de Robert Schuman proposant la Communauté du charbon et de l’acier, qui fut « son acte de naissance ». Elle regarde en outre vers l’avenir, avec la publication samedi du rapport « Europe 2030 » du comité des sages présidé par l’ancien Premier ministre espagnol Felipe Gonzales.