Rassembler dans les mêmes pages les homos et les hétéros, les gays et les lesbiennes, voilà du nouveau dans la presse romande! S'il existait déjà quelques bulletins associatifs pour l'une ou l'autre de ces sexualités, 360° passe largement la vitesse supérieure, et dans le propos, plus large, et dans la forme, plus recherchée. En fait, le nouveau magazine en kiosque ce matin n'a rien à voir avec les revues militantes ni avec la littérature gay que l'on trouve dans les rayons porno des kiosques. «On peut s'y abonner sans demander à le recevoir sous pli discret par crainte des commérages de la concierge», sourit Ester Paredes, qui en est la rédactrice image.
Ainsi, la une de 360° jouera-t-elle pudiquement sur le symbole du cercle (cette fois conjugué à celui de l'arc-en-ciel) plutôt que d'afficher des couples de lesbiennes ou des drag queens. C'est que, s'il revendique une sensibilité homosexuelle, le magazine défend aussi le dialogue. Bien sûr, son lectorat cible est plutôt du genre à conter fleurette aux personnes de même sexe mais 360° devrait aussi intéresser les curieux – pas des voyeurs, ils seraient déçus – à l'affût de points de vue différents, mais aussi de modes, de lieux branchés, etc. Ainsi, la rubrique «Aires de sorties» présente dans le premier numéro quatre adresses nocturnes et huit classiques de la pellicule homo à voir ou à revoir aux Rialto, à Genève, ou aux Galeries, à Lausanne. Quant à «Aires d'arrêt», on y découvre une collection pastiche de Harlequin, qui fait rimer eau de rose et homosexualité, et le Journal où se livre le bédéaste français Fabrice Neaud.
Dans «Tangente», on fait un tour dans une série de lits de femmes, une balade belle et douce, comme autant de rendez-vous intimes et précieux. Le sujet marie très justement textes et photos. C'est d'ailleurs l'un des points forts de 360° que de donner sa juste place à l'image. On y alterne noir/blanc et couleurs, photo et dessin dans une dynamique heureuse. Le graphisme, signé Chatty Ecoffey, est imaginatif sans être m'as-tu vu. Il sait se mettre au service du texte dans les pages plus enquête (un article sur la rumeur, l'autre sur les squatts qui profitent à l'économie, l'autre encore sur le milieu gay fribourgeois). Il sait laisser la place à la photo dans les pages «Lignes» où la mode devient une histoire de gens d'ici à travers une question simple: «Qu'est-ce qui t'a fait flasher dans son look, la première fois que tu l'as vu(e)?»
Les sujets du «Grand angle» s'avèrent plus militants. Le coordinateur de la Gay Pride lausannoise du 4 juillet y est interviewé. Et l'on constate la lenteur du débat en matière de reconnaissance juridique des couples non mariés. Quelques rubriques encore pour boucler les 68 pages de ce premier numéro: les bons conseils de Dr Cute – «aussi sérieuse que le Dr Ruth» – l'horoscope, le tour de table (un spécial homard titré «Fais-moi mal»!), et des petites annonces plus que sages.
Sans conteste, cet essai en jette! «Il est plus épais que ce que nous espérions au départ du projet, confie la rédactrice en chef Cathy Macherel, parce que nous avons pu récolter assez de publicité.» Pourtant, certains ont préféré attendre d'avoir sous les yeux le premier numéro avant de risquer l'image de leur entreprise dans des pages gays et lesbiennes. C'est que, si les homosexuels sont, selon certaines études, des consommateurs au-dessus de la moyenne, ils effraient encore un peu… 360° devraient contribuer à rassurer. Synonyme d'ennui? «Sûrement pas, s'insurge Cathy Macherel en conclusion de son premier éditorial. S'interroger sur les frontières identitaires ou jouer sur celles des genres, tels sont les angles passionnants et ludiques que 360° a choisi de vous faire partager.»
Cette envie, cela faisait déjà quelque temps que la journaliste la mûrissait, parce qu'il n'existait rien de ce genre en Suisse romande, même si l'on trouve, dans quelques rares kiosques, le magazine français Têtu, et quelques anglo-saxons. Elle a fait partie de ceux qui ont organisé la Gay Pride genevoise l'an dernier. «On a eu envie de continuer à travailler ensemble.» Cette équipe de base a fourni beaucoup de travail bénévole. Elle s'est adjoint la collaboration de différentes plumes de la presse romande et de nombreux photographes. Avant même la publicité, ce sont quelques fêtes organisées par 360° Fever, structure sœur du magazine, qui ont fourni les fonds de lancement de ce premier numéro, imprimé à 7000 exemplaires à Milan. Mais la publication entend bien devenir autonome. Pour l'instant, elle donne rendez-vous à ses lecteurs tous les deux mois. Plus si affinités…
360°, n° 1, juillet-août-septembre, 6 fr. Un site Web (www.360.ch) est ouvert depuis hier, avec des extraits du magazine et une présentation des différentes branches de l'association 360° (fêtes, projet d'un bistrot pour la rentrée).