Des airs de Mars pour une Suissesse
Espace
La Saint-Galloise Barbara Burtscher, 24 ans, a été choisie par la «Mars Society» pour participer à la simulation d’une expédition sur la planète rouge, en Utah. Rencontre
Sa passion est née un soir lorsque, la tête dans les étoiles, elle aperçoit Hale-Bopp. C’est une comète, rit-elle. L’adolescente a 12 ans et se met à rêver d’astres. Plus tard, son travail de maturité lui permet d’égrener les secrets d’un autre astre chevelu, 153P/Ikeya-Zhang. Enfin, en 2005, c’est au Chili, à l’Observatoire de la Silla, qu’elle vibre à nouveau. «La porte s’est refermée; sans lumière, je nageais dans les étoiles, sans orientation. C’était magique.»
Aujourd’hui, Barbara Burtscher a 24 ans et s’enivre toujours de ses rencontres avec les planètes. A la fin du mois, cette astrophysicienne originaire du Toggenburg sera sur Mars. Ou presque sur Mars. Dans l’Utah, aux Etats-Unis, elle participera à la «Mars Desert Research Station» menée du 27 novembre au 11 décembre par la «Mars Society», organisation internationale qui promeut l’exploration de la planète rouge. Deux semaines pour «faire comme si», pour expérimenter ce que pourrait être un futur séjour. Elle explique sans fard: «Je ne me suis pas avancée; les Américains sont venus me chercher, intéressés par mes antécédents.»
Cumul de distinctions
La jeune enseignante du lycée de Wattwil (SG) est fraîchement diplômée de l’Université de Zurich, en physique et mathématiques financières; son curriculum vitae regorge déjà d’expériences motivées par son savoir et ses curiosités. Un mois au Max Planck Institute, en Allemagne, l’obtention d’un prix spécial au Concours européen des jeunes scientifiques: les reconnaissances se multiplient depuis l’obtention de sa maturité. Elle crée parallèlement une «Journée suisse de l’Astronomie»; elle récompense d’un «Swiss Astronomy Award» des scientifiques comme Claude Nicollier – «tellement disponible» – ou Michel Mayor. Et lance en 2005 avec son ami une société de gestion de fortune.
«Oui, des questions ont jailli autour de mes intérêts inhabituels, de mon engagement. Je me sens parfois plus vieille que mon âge», opine la cadette d’une famille de quatre enfants. «Aussi parce que, c’est facile à voir, je suis plus grande que la moyenne», plaisante-t-elle. Barbara Burtscher s’enthousiasme quand elle parle des astres. Pourtant, elle se veut très terrienne, amoureuse de son quotidien, soucieuse de conserver ce que la vie lui a offert, attachée à son métier. Bref, Mars la fait rêver mais de là à s’imaginer loin de la Terre et des siens «durant trois ans!», il y a un pas qu’elle ne franchit pas allègrement.
Pour l’heure, c’est de la simulation. Fin novembre, l’astrophysicienne sera à l’étroit dans un vaisseau-container de 24 m2. Elle sera accompagnée de cinq hommes et femmes, la tête parfois dans un casque pour une expérience similaire à celle lancée récemment par l’Agence spatiale européenne (Mars 500). «Le plus difficile sera de se supporter 24 heures sur 24.» Tout sera dans la mesure du possible adapté aux conditions de la planète rouge et les cobayes effectueront des sorties pour simuler des accidents ou tester du matériel. Un dossier d’une cinquantaine de pages trône sur le bureau de la jeune femme et lui promet, accompagné de tests psychologiques, encore de longues heures de préparation.
Regard vers le passé
L’été dernier, Barbara Burtscher a déjà suivi un entraînement d’astronaute au sein d’une halle de la NASA à Huntsville, aux Etats-Unis. Elle accompagnait l’une de ses élèves lauréate d’une compétition. «J’aime faire découvrir les mystères qui entourent notre planète. On touche aux origines de la vie car les comètes et leur matière peuvent beaucoup nous apprendre. Je crois que ce qui me plaît avant tout dans l’astronomie, c’est le regard qu’elle permet vers le passé.»
Avec l’aventure sur Mars, les attentes sont grandes. La planète rouge est celle sur laquelle l’être humain envisage le plus sérieusement de pouvoir une fois trouver place. Pour Barbara Burtscher, l’apprentissage des lois de l’univers incite également à tirer la sonnette d’alarme. «Nous ne nous soucions pas assez de la santé de la Terre. On oublie rapidement qu’une météorite ou le réchauffement pourraient tout bousculer. Regarder les planètes c’est aussi réaliser ce qui peut arriver à la Terre si nous n’y prenons pas garde.»
La prochaine cobaye semble avoir trouvé sa voie. Elle veut intéresser, vulgariser le savoir qui est le sien. «Les médias aimeraient que j’avoue des rêves d’aventure sur la Lune. Je suis plus attirée par des programmes d’enseignement comme Teacher in Space.» Inarrêtable.
Depuis quelques semaines, la Saint-Galloise foule aussi un sol qu’elle connaît presque moins que celui de la Lune: celui du théâtre. Elle est l’une des «experts» de la dernière création de Stefan Kaegi et son théâtre documentaire, «Heuschrecken» («Sauterelle») montée à Zurich. Elle joue son rôle d’astrophysicienne dans une serre habitée de sauterelles dont les comportements pourraient aider à répondre au monde fragilisé par les catastrophes climatiques. Elle sourit: «La scène, ça c’est stressant!»