Les banques dont la taille est démesurée par rapport à celle de la Suisse et de son économie créent, à l’instar d’UBS, un risque contre lequel le gouvernement promet de réagir. Elles feront l’objet d’une réglementation plus stricte, s’est engagé mercredi le Conseil fédéral. Il veut également que les établissements financiers paient à l’avenir des impôts sur les bonus supérieurs à un certain montant, des rémunérations «inappropriées» ayant selon lui «contribué au déclenchement de la crise des marchés financiers». Le gouvernement a également finalisé sa proposition aux Chambres pour faire supporter par UBS le coût de 40 millions de francs de la procédure d’assistance en faveur des Etats-Unis.

Ces mesures ont suscité des réactions mitigées au sein des partis et n’assureront pas forcément le succès, en juin devant les Chambres, de l’accord signé en 2009 avec les Etats-Unis aux termes duquel la Suisse s’est engagée à fournir aux autorités de Washington l’identité de quelque 4450 contribuables américains.

«Je ne vois pas d’alternative à cet accord», avertit pourtant déjà la ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey, confirmant le lien entre les décisions annoncées mercredi et l’approbation de ce texte. Sur ce point, les fronts ne paraissent pas près de se débloquer. Le Conseil fédéral a cherché à se concilier les socialistes, mais le PS a estimé hier que les concessions faites n’allaient pas assez loin. L’UDC a rejet­é en bloc toute fiscalisation supplémentaire, et les libéraux-radicaux ont déploré que le gouvernement ait cédé à une forme de populisme de gauche. Quant au PDC, il critique une réglementation des bonus qui risque, prévient-il, d’être trop facile à contourner.

Ce sont donc bien les contingences politiques liées à l’échéance du mois de juin qui ont poussé le Conseil fédéral à se prononcer maintenant en faveur de mesures auxquelles il ne reconnaissait jusqu’ici pas d’urgence particulière, ou, s’agissant des bonus, qu’il combattait hardiment il y a quelques mois à peine.

Les décisions prises mercredi ont certes pour finalité, à l’avenir, d’éviter à la Confédération d’avoir à secourir une nouvelle fois une banque de la dimension d’UBS, et d’inciter les dirigeants à modérer des rémunérations «aux effets incitatifs pervers», selon les termes du gouvernement. Mais elles doivent surtout lui permettre, à très court terme, de ne pas arriver les mains vides devant les Chambres.

Le jugement du Tribunal administratif fédéral tombé en début d’année et rendant l’accord avec les Etats-Unis inopérant à moins d’un aval a posteriori du parlement aura complètement changé la donne par rapport aux prévisions initiales, et placé le Conseil fédéral dans une situation extrêmement délicate. Le gouvernement a en effet engagé la Suisse vis-à-vis des Etats-Unis par sa signature, en août 2009, mais il sait qu’il n’y a pas, pour l’heure, de majorité au parlement pour cet accord. Et si les manœuvres ont déjà commencé au sein des partis, leur issue reste très incertaine.

Les mesures annoncées mercredi sont avant tout des concessions faites aux socialistes pour tenter de les rallier à l’accord. Dans leurs grandes lignes, les propositions vont dans le sens des conditions fixées par le PS – à savoir des avancées substantielles sur le problème des banques trop grandes pour faire faillite (too big to fail), et une réglementation intégrant les bonus dans le bénéfice imposable de la société.

Les socialistes, pourtant, ne sont pas satisfaits et ne relâchent pas la pression. Si le PS se félicite que le Conseil fédéral ait pris conscience des problèmes, il juge que les projets du gouvernement ne sont qu’une «lex UBS sans substance». C’est surtout le calendrier annoncé qui fâche le PS. Le seul projet qui aura été transmis au parlement d’ici au mois de juin concerne un point relativement accessoire dans le débat, l’imposition des options remises aux collaborateurs (lire ci-dessous). S’agissant des banques trop grandes pour être mises en faillite (too big to fail), le Conseil fédéral s’est engagé à proposer aux Chambres, en mai déjà, une «planification contraignante» de la législation à venir, mais cette dernière ne viendra qu’après le rapport final d’une commission d’experts, en septembre probablement. En revanche, sur les bonus, les parlementaires n’auront rien d’autre dans les mains, cet été, que les promesses faites mercredi par le Conseil fédéral. Un avant-projet ne sera mis en consultation que cet automne.

«Le gouvernement ne parvient pas à lever les doutes sur sa réelle volonté d’agir», déclare le conseiller aux Etats socialiste fribourgeois Alain Berset, tout en précisant qu’il peut encore «se passer beaucoup de choses d’ici au mois de juin». Pour la question des banques trop grandes pour être mises en faillite, note-t-il, le PS pourrait accepter que seuls des jalons soient fixés au moment où l’accord UBS passera devant le parlement. Mais pour les bonus, «nous avons le sentiment que l’on nous promène un peu».

«Le gouvernement ne parvient pas à lever les doutes sur sa réelle volonté d’agir»