Si on vous dit région du Léman, que voyez-vous? Ciel et lac d'un beau bleu azuré, neiges éclatantes de blancheur, vignes vert tendre sur les coteaux? Eh bien! vous avez tout faux. Dans les nouvelles publicités encartées dans différents magazines français, la montagne est artificiellement rougeâtre, le raisin verdâtre. «Couleur pastel», corrige Charles-André Ramseyer, directeur de l'Office du tourisme du canton de Vaud.

La campagne a débuté il y a deux semaines. Elle est constituée de quatre annonces différentes qui paraîtront en France dans L'Express, Le Nouvel Observateur, Télérama, Figaro Magazine. Une opération similaire est conjointement organisée en Allemagne. Cela fait plusieurs années que de telles campagnes sont commandées par l'Office du tourisme du canton de Vaud. «Le public français est un public individuel, explique Charles-André Ramseyer. Il ne vient pas en Suisse romande par l'intermédiaire de tour-opérateurs. Il n'en a pas besoin car nous sommes proches et francophones. Donc, le seul moyen d'attirer un touriste français est de faire paraître une pub avec un coupon pour demander de la documentation.»

Le coupon en question propose de commander un «kit d'information», anglicisme peu connu du public français. Comment est-il reçu? L'agence Koslowski et Kaeling, à L'Isle, a été mandatée pour étudier l'impact de cette campagne sur le public. Pour l'instant, Hubert Koslowski assure, comme le directeur de l'Office du tourisme, que les annonces sont bien perçues par les Français et que les demandes de documentation sont plus nombreuses que les années précédentes. «Plus de deux cents coupons sont renvoyés chaque jour», affirme-t-il. Les retombées globales de la campagne seront analysées en septembre. L'Office du tourisme refuse de dévoiler le budget de l'opération.

Voulant mettre en valeur les infinies possibilités touristiques qu'offre le canton de Vaud, la publicité a décidé de jouer sur les contrastes. «L'agence de pub nous a proposé un concept laissant apparaître la diversité des produits et des destinations, tout en mentionnant la proximité: par exemple en rapprochant la campagne et la vie nocturne, le lac et le ski», explique Charles-André Ramseyer. Ainsi, le glacier des Diablerets côtoie une grappe de raisin. «Nous ne voulions pas constituer un catalogue, mais retenir quelques points forts», explique Marc Angebault, de l'agence lausannoise Garcia et Angebault qui a réalisé la publicité. «Il est compliqué de faire de la publicité pour des régions, continue-t-il. On a quelques secondes pour séduire et une fréquence de parutions limitée».

Pourquoi avoir coloré les photos? Pour changer, répondent en substance tous les protagonistes. «Il n'aurait pas été très original de laisser des couleurs naturelles, explique Charles-André Ramseyer. Notre publicité aurait risqué de ressembler à toutes les autres alors que, justement, notre but est d'attirer l'attention.» Le directeur de l'Office du tourisme reconnaît tout de même avoir eu «énormément de mal» à s'y faire. «Mais, au bout de quelques semaines j'étais tout à fait habitué», se réjouit-il.

Selon Hubert Koslowski, contrairement à une idée reçue, l'important n'est pas de séduire, mais de susciter une réaction. Toutefois, cette publicité aurait pu choquer en bien, ne serait-ce que par son propos, sa présentation, l'originalité des photos. On peut s'interroger par exemple sur la lisibilité du slogan: «Passez du grand au bon blanc.» D'après les analyses d'impact effectuées, il ne poserait pas problème. «En tout cas, les gens le comprennent mieux que celui de Suisse-Tourisme», fait remarquer triomphalement Hubert Koslowski. Ce qui, effectivement, constituait un but à atteindre. Quant aux photos, volontairement ou pas, il n'y figure aucun lieu reconnaissable. Les Français découvrent donc la région par l'image d'un arbre dans un champ ou d'une famille les skis aux pieds. Surtout, ces clichés sont extrêmement classiques: rien, dans les prises de vue, n'est original ou surprenant. Ainsi, en quoi l'image d'une place un jour de marché, où une mère de famille regarde pensivement un étal de tomates, peut-elle faire vendre la région? «Nous avons eu les photos des offices du tourisme locaux, plaide Marc Angebault. Bien sûr, nous aurions aimé quelque chose de plus spectaculaire. Dans l'absolu, nous préférons avoir un budget photo et envoyer un photographe sur place.»

Ainsi, cette année encore, les magazines français vont être envahis de publicités pour la région lémanique, réalisées tantôt par le canton de Vaud, tantôt par l'Office du tourisme de Genève, tantôt par celui d'Evian-les-Bains. Faute de pouvoir s'entendre, les différentes stations touristiques du bord du lac n'ont en effet jamais pu réunir leurs moyens pour réaliser une campagne commune chez nos voisins. Résultat, le lecteur breton, parisien ou niçois peu passionné de géographie peut avoir la nette impression qu'il existe plusieurs lacs Léman, situés dans des régions très éloignées les unes des autres. Et il ignore à coup sûr que, depuis Montreux, il peut très aisément aller visiter le Palais des Nations à Genève ou admirer les anciens thermes d'Evian. Un top pour vendre la région.