Le Temps: Comment avez-vous donné votre assentiment à ce projet?
Fabien Coquillat , architecte communal adjoint du service de l’urbanisme de Neuchâtel: Nous préconisons les consultations préalables avant tout projet d’une certaine importance. Ici, la complexité était liée à la topographie, à la présence sur la même parcelle d’une maison de maître de première catégorie, qui n’est pas classée mais qui doit faire l’objet d’une attention particulière, et au parc attenant à l’intérieur duquel devait se situer la nouvelle construction. Donc nous étions confrontés à plusieurs problématiques assez sensibles tant en matière de protection du patrimoine bâti que du patrimoine naturel.
Quelle est la tradition urbanistique de Neuchâtel?
Dans le gros du territoire, le développement s’est fait en fonction de la topographie, c’est-à-dire implanté parallèlement aux courbes de niveau et en fonction des murs de vigne, tout le réseau d’anciens parcellaires viticoles avec ces murs de soutènement relativement imposants, ces terrasses et ces chemins de vigne. Celui qui est devant la résidence est un mur de soutènement lié à la route. Mais il est dans l’esprit, la typologie de ce qu’on trouve ailleurs dans les rues anciennes. Cette route cantonale dessert les hauts de la ville et il y a une partie du territoire urbain en amont, juste au nord, et au-delà il y a la forêt.
Le paysage urbain paraîttrès classique.
Oui la majeure partie, en dehors du centre-ville qui a ses caractéristiques historiques, est une architecture assez conventionnelle, qui date du XIXe siècle à aujourd’hui. C’est une architecture de remplissage assez banale en phase avec les époques de construction respectives et qui n’a rien d’extraordinaire.
Autoriser ce type de bâtiment en surplomb de la ville est donc plutôt inhabituel?
Oui, tout à fait. Mais ce qui compte avant tout pour nous, c’est la qualité de l’implantation et la cohérence par rapport au tissu urbanistique environnant, soit en rapport avec les vignobles en terrasses. Au fond, quand vous regardez la ville de manière très schématique, vous voyez une série de petits plots ou de barres qui sont tous implantés les uns au-dessus des autres ou en continuité par rapport à ces fameuses courbes de niveau.
Il est vrai que cette résidence détonne de par son architecture mais là ce qui pouvait poser problème c’était son implantation car l’orientation est un peu décalée, de biais par rapport au reste du tissu. Pourtant c’est sa situation très particulière, cette position prédominante sur un tertre qui a fait que notre service a encouragé ce projet.
Au départ, la commission a surtout eu des doutes sur le fait que la qualité, l’intérêt qui étaient présents dans les plans subsistent jusqu’à la fin de la réalisation. Parce que lorsqu’on pose des volumes comme ici en quinconce, comme des boîtes l’une sur l’autre et qu’on dégage de grandes baies vitrées, tout tient dans la précision des détails qui sont mis en œuvre et effectivement il faut beaucoup de maîtrise pour aller jusqu’au bout. Et malheureusement, on dit souvent par boutade que quand le projet n’est pas beau sur plan, il est rarement beau dans la réalité mais aussi que quand il est beau sur plan, il arrive qu’il ne soit pas beau dans la réalité…
Vous êtes favorable à une architecture très contemporaine en ville?
On veut d’abord que l’architecture d’aujourd’hui s’exprime, c’est-à-dire qu’on puisse lire dans le paysage de la ville les couches historiques. Cela ne nous gêne pas qu’un bâtiment du XIXe côtoie un bâtiment du XXIe et c’est la même chose dans le centre-ville, on ne fait pas de distinction. Et la commission et le Conseil communal ont osé des gestes assez audacieux. L’architecture d’accompagnement, c’est-à-dire qui imite une architecture ancienne pour rester dans un style, n’est de loin pas la bonne réponse…