Les programmes de distribution et d’échange de seringues aux toxicomanes protègent l’ensemble de la société du sida. Une étude de chercheurs de l’Hôpital universitaire de Zurich soutenus Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) basée sur des méthodes moléculaires dernier cri l’a mis en évidence.

Les résultats de l’étude qui vient d’être publiée par la revue spécialisée The Journal of Infectious Diseases constituent un signal international important, écrit jeudi le FNS dans un communiqué. Si 77 pays connaissent des programmes de distribution de seringues, à l’instar de la Suisse, pionnière dès 1986, de nombreux autres, comme l’Islande, la Turquie et le Kosovo, ne les ont toujours pas introduits, souligne le FNS.

Les chercheurs se sont basés sur les génotypes du VIH chez 5700 personnes entre 1981 et 2007 pour établir les chaînes de contamination par lesquelles le virus s’est transmis. Il est apparu que ces chaînes de contamination comportaient pour l’essentiel soit des toxicomanes et des hétérosexuels, soit des homosexuels masculins.

Avant l’introduction des programmes de distribution de seringues, les chaînes de contamination avec toxicomanes et hétérosexuels comptaient en moyenne 144 patients, avec une pointe à plus de mille. Pour le directeur de l’étude, Huldrych Günthard de l’Hôpital universitaire de Zurich, ce résultat s’explique par la facilité avec laquelle le virus se transmettait dans le milieu de la drogue au début de l’épidémie.

«Avec l’échange de seringues souillées, le virus passait rapidement du sang d’un toxicomane à celui d’un autre», dit-il. Chez les homosexuels en revanche, comme le virus se transmet par contact sexuel, la propagation s’est faite dans le cadre de chaînes beaucoup plus courtes, de 29 personnes en moyenne.

La propagation de l’épidémie en Suisse s’est faite grâce à deux moteurs. D’un côté par le biais des infections contractées à l’étranger et de l’autre par le biais des chaînes infectieuses mises en évidence chez les homosexuels et les toxicomanes.

Toutefois, le virus a toujours débordé d’un groupe vers un autre. Il n’y a ainsi quasi pas eu de transmission entre homosexuels et toxicomanes. Elles ont en revanche été un peu plus nombreuses entre hétéro et homosexuels, un hétéro VIH sur neuf ayant son origine d’une transmission homosexuelle.

En revanche les contaminations entre toxicomanes et hétérosexuels étaient très fréquentes au début des années 80, constate l’étude du FNS. «La prostitution dans les scènes de la drogue a certainement joué un rôle important dans ce processus», explique Huldrych Günthard.

Les chiffres des chercheurs montrent néanmoins que les contaminations entre hétérosexuels et toxicomanes ont beaucoup diminué par la suite. Une évolution probablement due au lancement, en 1986, de la distribution de seringues stériles en échange des seringues usagées, écrit le FNS.

Cette mesure a permis d’endiguer l’épidémie chez les toxicomanes. Du coup, les hétérosexuels ont été moins nombreux à contracter le VIH. Les programmes de distribution de seringues ont donc protégé l’ensemble de la société.