L’aide sociale au cœur des crispations

L’UDC dénonce le «tourisme social» des citoyens de l’Union européenne

Les autorités relativisent, mais durcissent les règles

La libre circulation n’a pas fait venir en Suisse des hordes de profiteurs de l’aide sociale. C’est ce que répètent les autorités fédérales et cantonales. Les statistiques à disposition semblent étayer ces propos. Les taux relatifs aux ressortissants européens qui touchent l’aide sociale s’écartent peu du taux moyen, qui s’établit en 2012 à 3,1% pour l’ensemble des résidents permanents en Suisse.

Par contre, des cas douteux existent et ils embarrassent. Ils concernent notamment des immigrés de l’Union européenne qui, après avoir perdu leur emploi et épuisé leur droit au chômage, ont dû recourir à l’assistance pour subvenir à leurs besoins. Le Tages-Anzeiger avait fait état, début 2013, d’un certain nombre de situations problématiques.

Ces personnes provenant du Portugal ou d’Espagne en majorité, peu qualifiés, ont sollicité l’aide sociale après avoir perdu des emplois précaires dans le secteur du nettoyage ou du bâtiment. Afin d’éviter des abus ou de trop longues périodes à la charge de l’assistance, les cantons peuvent décider de retirer les autorisations de séjour à ces ressortissants qui ne disposent plus de moyens financiers suffisants pour résider en Suisse, comme l’exige l’accord. Dans la plupart des cas, il s’agit de permis L de courte durée (moins de douze mois) mais des permis B (cinq ans renouvelables) peuvent aussi être touchés. Dans les cantons de Zurich et d’Argovie, quelques dizaines de dossiers, qui auraient dû aboutir à une sanction, avaient échappé au contrôle des administrations compétentes, surtout en raison d’un suivi lacunaire.

Dans la foulée, Sylvia Flückiger-Bäni (UDC/AG) avait demandé au Conseil fédéral de chiffrer l’impact de la libre circulation sur l’aide sociale. L’élue soupçonnait certains offices cantonaux d’avoir accordé des permis à des Européens sans emploi en Suisse. La crainte d’une explosion des contrats fictifs a également motivé la requête. Le gouvernement n’a pas pu répondre dans le détail. Il a par contre calculé que les chômeurs de l’UE au bénéfice d’une autorisation de type L (moins d’un an) étaient passés de 2876 à 4080 de 2010 à fin 2012. Des chômeurs susceptibles de recourir à l’aide sociale.

Or, en cette période de campagne sur l’initiative de l’UDC «Contre l’immigration de masse» soumise au vote le 9 février, le moindre doute à ce sujet alimente la polémique et fournit aux partisans de l’initiative des arguments pour dénoncer le «tourisme social» lié à la libre circulation.

C’est pourquoi le Conseil fédéral, quelque peu inquiet de l’issue du scrutin, a annoncé entre autres mesures une réglementation plus contraignante pour les Européens qui viennent en Suisse chercher un emploi dépourvus d’un contrat ou d’une promesse d’engagement. Ces ressortissants ainsi que leur famille n’auront pas droit à l’aide sociale. De cette manière, le gouvernement souhaite harmoniser les pratiques cantonales et éviter tout soupçon de laxisme à l’égard des Européens sans ressources.

Le gouvernement a répondu par la même occasion aux interventions parlementaires des socialistes et du PLR qui souhaitaient une clarification. «Il s’agit de préserver la crédibilité du système social en place, note Cesla Amarelle (PS/VD) à l’origine d’un postulat, et de couper l’herbe sous le pied de l’UDC.» En 2010 déjà, le Collège avait adopté des mesures analogues, mais celles-ci ont été jugées insuffisantes.

Dans le canton de Vaud, les autorités surveillent de près la situation depuis une dizaine de mois. Les Centres sociaux régionaux, qui gèrent l’assistance, signalent au Service de la population (SPOP) les ressortissants européens demandant l’aide sociale peu de temps après leur arrivée. Sur les 70 dossiers examinés, 40 ont déclenché une procédure de retrait de l’autorisation de séjour.

Ces données incitent Pierre-Yves Maillard à considérer qu’il n’y a pas de «tourisme social». Ces cas souvent non frauduleux ne justifient pas à ses yeux les craintes agitées par les défenseurs de l’initiative «Contre l’immigration de masse». Le président socialiste du Conseil d’Etat vaudois rappelle à titre de comparaison les quelque 5000 demandes adressées à l’aide sociale pendant la même période par des Suisses et des étrangers établis dans le canton depuis longtemps.

Sur les 70 dossiers examinés, 40 ont déclenché une procédure de retrait de l’autorisation de séjour