Guillaume Chenevière ne cachait pas sa mauvaise humeur hier après-midi. Le Directoire de la RTSR avait organisé en catastrophe une conférence de presse pour annoncer la nomination des nouveaux patrons de l'audiovisuel public. Si l'arrivée de Gérard Tschopp à la tête de la radio était courue d'avance (lire ci-dessous), toutes les portes restaient ouvertes pour la direction de la télévision. Les candidats Vouillamoz et Chanel partaient également favoris pour prendre la place de Guillaume Chenevière, lequel n'avait pas postulé à sa propre succession. C'est pourtant lui qui a été désigné. A la surprise générale, le directeur actuel a été prié de rempiler pour trois ans.
«Je voudrais pouvoir m'en réjouir… Mais je considère qu'un jugement très injuste a été porté envers mes deux collaborateurs.» S'il s'est finalement plié à la décision du Directoire, c'est pour ne pas provoquer de crise majeure dans cette entreprise qui l'emploie depuis vingt-trois ans. Car Guillaume Chenevière n'avait jamais caché son souhait de partir à la retraite. Agé de 61 ans, père de quatre enfants et deux fois grand-père, il voulait prendre le large. Mais l'indécision des huit sages qui composent l'organe faîtier de la chaîne l'oblige à rester à son poste jusqu'à l'an 2002.
Que s'est-il passé? Pourquoi le Directoire a-t-il refusé de trancher entre Vouillamoz et Chanel? «Parce que ces deux candidats n'ont pas permis au Directoire d'acquérir la certitude que les réformes préconisées par Arthur Andersen seraient conduites avec toutes les chances de succès», a déclaré Jean Cavadini, président de l'organe décisionnel. Avant d'ajouter: «Je suis honteux de dire que c'était la moins mauvaise des solutions.»
Ces réformes préconisées par Arthur Anderson représentent un chantier important, qui modifiera en profondeur le fonctionnement de la chaîne romande. Le but est de dégager de nouvelles ressources pour permettre à la TSR de poursuivre son développement, notamment dans les nouvelles technologies. Cela passe par une réduction de certains services, par des replacements de personnel, mais sans licenciement. Si le directeur des programmes Raymond Vouillamoz adhère pleinement au projet, son concurrent Jean-Claude Chanel, en charge des affaires générales, se montre plus circonspect. Mais le Directoire n'a pas su trancher entre les deux candidats. «C'est une attitude totalement irresponsable que de refuser de choisir, s'emporte un cadre de la chaîne. Le conseil d'administration désavoue sa propre boîte, et Jean Cavadini en porte la responsabilité.»
Le Directoire de la RTSR est un organisme au fonctionnement complexe. Il est composé de six personnalités extérieures à l'audiovisuel (Claude Monnier, André Ubersax, Francine Jeanprêtre, Maria Gesseler, Marcel Blanc et Jacques Pittet), qui sont censées représenter les téléspectateurs, ainsi que du directeur général de la SSR, Armin Walpen. En tant que président, le libéral neuchâtelois Jean Cavadini peut disposer de deux voix lors des votes. Mais malgré ce total impair, l'organe de décision n'a pas réussi à se déterminer entre l'option Chanel et l'option Vouillamoz. Il a préféré rappeler l'actuel titulaire, au risque de provoquer une crise de découragement au sein du trio de direction.
Guillaume Chenevière a qualifié hier cette décision de «saugrenue». Il regrette de n'avoir pas été consulté lors des séances de sélection. «Mais le Directoire m'a assuré que dorénavant, je participerais à la nomination de mon successeur» a-t-il ajouté.
Les trois années qui viennent risquent d'être compliquées pour ces trois directeurs qui souhaitaient quitter leur poste. Outre le chantier Arthur Andersen, ils devront notamment mettre en place une nouvelle structure d'information régionale, prévue pour cet été, ainsi qu'un département d'information on-line. A ce jour, la TSR ne dispose pas d'un site Internet professionnel. Et la concurrence se multiplie tant sur le câble que par voie satellitaire.