Parfois, le téléjournal dévide ses sujets sans qu'on leur prête beaucoup d'attention, faute d'une personnalité qui retienne le regard, qui réveille la pensée. Hier soir, par exemple, tout ronronnait sur la TSR, avec deux conseillers fédéraux promis à l'écran. Jean-Pascal Delamuraz d'abord, filmé de 10heures du matin à 6heures du soir pour un départ de Berne qu'on avait l'impression d'avoir déjà vu dix fois, même si vraiment, on l'aime vraiment beaucoup. Ensuite, Moritz Leuenberger, dont le français ne trébucha presque pas pour commenter les mésaventures du centre de contrôle aérien franco-suisse à Cointrin. Là, ce fut franchement ennuyeux.

Et puis, le miracle. Autour du procès Papon. Le sujet avait pourtant mal commencé, avec des images mal retransmises de Bordeaux, des témoins interviewés à la va-vite dans le brouhaha. Le miracle, ce fut la voix nette et la pensée aussi claire que nuancée de l'historien Philippe Burrin, professeur aux HEI à Genève. Invité sur le plateau de la TSR, il a su en quelques phrases, en mots simples, situer, mettre en perspective, donner à comprendre le profil du fonctionnaire Papon. Ce «zélateur pas particulièrement antisémite qui déportait avec une assiduité inflexible mais sans intention de tuer», ce «dernier maillon, dans la chaîne, entre la volonté de discrimination de Vichy et la volonté d'extermination nazie». Il fallait sa clarté d'esprit, la veille du verdict pour esquisser ainsi après six mois de procès, de passions, de questions, quelques traits de base du personnage. Hier soir, Philippe Burrin m'a donné une envie saugrenue: m'inscrire aux HEI pour préparer avec lui un doctorat en histoire.