Plus que par un match nul, c'est par arrêt de l'arbitre que risque de se conclure le duel qui oppose Telepiù et Stream, les deux bouquets numériques italiens. A force de se livrer à une concurrence sans merci sur le marché des droits du football, les deux chaînes à péage sont en effet aujourd'hui au bord de la faillite. Un seul rapport résume l'impasse dans lequel elles se trouvent: pour la saison 2000-2001, les recettes du foot devraient s'élever à 200 milliards de lires (170 millions de francs) alors que les dépenses dépassent les 800 milliards…

Hausse vertigineuse

Ce désastre annoncé remonte à 1993, lorsque Telepiù débarque dans le championnat italien et fait immédiatement monter les prix. De 52 millions de francs pour la saison 1989-90 versés pour l'essentiel par la Rai, la télévision publique, la somme totale passe à près de 92 millions. Telepiù en acquitte près de la moitié pour avoir le droit de retransmettre en direct et en crypté quelques matchs tandis que la Rai continue de disposer des droits de diffusion en clair mais en différé. Son émission dominicale phare Novantesimo minuto, qui offre un résumé de la journée de championnat, est sauvée.

Pour la saison 1995-96, le montant global exigé par les clubs de football professionnels (Lega Calcio) double et atteint 180 millions. Deux ans plus tard, la somme est une nouvelle fois multipliée par deux et frôle le seuil des 380 millions. C'est à cette date que Stream entre dans la bataille et réclame sa part du gâteau. Rupert Murdoch qui contrôle alors le nouveau bouquet numérique veut même s'approprier l'ensemble des droits. En vain. Le gouvernement italien impose une réglementation visant à interdire toute situation de monopole. Aucune chaîne ne peut contrôler plus de 60% du marché des droits télévisés cryptés. Au lieu de calmer les choses, cette décision provoque une nouvelle flambée des prix, Telepiù et Stream cherchant par tous les moyens à acheter les droits des grandes équipes. Ainsi, le premier emporte par exemple la Juventus de Turin, l'Inter de Milan et le Milan AC. Stream se contente de clubs moins rémunérateurs comme l'As Rome, la Lazio ou Parme mais qui revendiquent néanmoins un traitement financier d'élite. La chaîne s'exécute. Car si le calcio coûte de plus en plus cher, il représente, bien plus que les films, le carburant incontournable pour toute télévision à péage en Italie. Hors du ballon rond, point de salut. Ainsi, à la veille de la saison 2000-2001, Stream a versé 50 millions de francs soit 35 de plus que ceux acquittés précédemment par Telepiù pour s'octroyer les droits de retransmission du FC Naples, à peine promu en première division.

Au total, pour le championnat en cours, les droits ont dépassé les 1000 milliards de lires (850 millions de francs), dont 80% sont assurés par les chaînes à péage. Dans le détail, Telepiù a versé près de 380 millions de francs pour 11 équipes de série A (première division), 14 de série B et trois de série C. Stream, lui, a payé 300 millions pour sept clubs de première division. Mais ni l'un, ni l'autre ne rentrent dans leurs frais, car aucune équipe n'est aujourd'hui rentable, pas même la Juventus ou l'As Rome actuellement en tête du championnat. En moyenne la retransmission des matchs du championnat en direct à travers la pay-per-view attire chaque fin de semaine 1,8 million de passionnés. Il en manque près de 4 millions pour que l'opération soit rentable. «Pour le calcio, on dépense beaucoup plus que ce que l'on gagne, nous sommes arrivés à un point limite», a récemment admis Mario Rasini, l'un des responsables de Telepiù où la situation financière a déjà eu des répercussions au niveau de l'opérateur français Canal Plus qui contrôle la quasi-totalité du capital de la chaîne. Michel Thoulouze, le patron de la filiale italienne de Canal a récemment été débarqué. Cependant, les clubs n'ont pas l'intention de revoir leur prétention à la baisse alors que les droits télévisés représentent aujourd'hui 45% de leurs recettes. Reste qu'à ce rythme, ils risquent de tuer la poule aux œufs d'or. Stream, Telepiù, la Rai (qui conserve les droits du championnat en clair mais en différé ainsi que ceux de la Coupe d'Italie et de l'équipe nationale) ont déjà fait savoir qu'ils n'étaient pas intéressés par le prochain Mondial. Alors que pour la Coupe du Monde 1998 en France, les droits avaient atteint 30 milliards de lires (25 millions de francs), le magnat allemand Leo Kirch qui revend au détail les droits, pays par pays, a exigé 400 milliards de lires.