«Ce n’est au fond pas si courant que cela qu’un parlementaire ou un membre du Conseil fédéral soit pris de fou rire à la tribune. J’ai pris la suite, me suis-je rendu compte hier, de Doris Leuthard et de Hans-Rudolf Merz qui ont aussi été saisis d’un tel fou rire à la tribune…»: celle qui parle au téléphone du Temps, c’est Géraldine Savary, la conseillère aux Etats socialiste, qui a égayé mardi 9 juin toute la Berne fédérale par un fou rire homérique au milieu de la discussion d’une motion consacrée à une terrible maladie ovine: le piétin de mouton.

Un fou rire qui a prestement fait le tour des réseaux sociaux, comptes Twitter et pages Facebook réunies.

Etre prise d’un fou rire lorsqu’on parle de l’évolution terrifiante et sournoise du piétin sous les onglons de moutons: pensez voir. Et ne plus pouvoir quasi se reprendre, au point de se prendre même les pieds dans le tapis lexicographique en parlant, au bord des larmes, du «piéton de mouton»…

«J’ai eu honte, mais j’ai eu honte», confie la politicienne. «D’autant que c’est réellement une terrible maladie qui réduit les moutons qui l’attrapent à une condition misérable.» On lui demande qui ou quoi a bien pu provoquer son début d’hilarité irrépressible. «Je suis présidente de la Commission de la science, de l’éducation et de la culture du conseil des Etats. A ce titre, nous incombe le traitement de toute une série de motions concernant la protection des animaux. J’avais dû me pencher peu avant sur une histoire d’ailerons de requin. Je vais bientôt devoir évoquer la drosophile du cerisier. Bref, mes collègues romands n’ont cessé de me charrier, alors quand cette histoire de piétin, d’onglons et de moutons est arrivée, j’ai tout simplement craqué. Mais j’ai honte, vraiment. Quand le conseiller fédéral Alain Berset a répondu, il s’est, lui, bien gardé de prononcer une fois le mot piétin.»

On l’a compris, la sénatrice bat sa coulpe. Au point qu’à 19h00 ce mardi 9 juin, elle s’est même fendue sur sa page Facebook de ce mot d’excuse: «Ce matin, au Conseil des Etats, alors que je devais faire un rapport sur une motion visant à combattre le piétin des moutons (!), j’ai été piégée par le fou rire. Le sujet est pourtant très sérieux. Le piétin est une effroyable épidémie qui touche les onglons des moutons. Ces derniers sont contraints de manger agenouillés, si forte est la douleur. Je présente donc mes excuses à tous les propriétaires de cheptels ainsi qu’à tous les moutons atteints par le piétin.»

230 personnes plébiscitent les excuses, comme cette internaute qui s’exclame: «Vous êtes fraîche et souriante, Madame Savary, et c’est tellement agréable. Les moutons vous pardonneront je suis sûre.»

Accepter sa fragile et parfois hilare humanité, même dans un moment couturé de sérieux, savoir s’excuser dans les termes les plus simples et les plus directs, Géraldine Savary, en l’espèce, a fait tout juste. «Bon, confie-t-elle, les propriétaires de cheptels étaient un peu déçus. Et on n’a pas idée du nombre de moutons qu’il y a en Suisse.»

Battons, à notre tour, notre coulpe: le signataire de ces lignes n’a jamais, de sa carrière de journaliste, autant ri, et même sangloté de rire, au téléphone que ce 10 juin, à évoquer cette séquence parlementaire avec la principale intéressée. Il s’en excuse, lui aussi, d’avance auprès des moutons suisses grêlés et mis à genoux par le piétin.