Plus inquiètes ou au contraire plus détendues, les représentations de la migration se forgent à l’école. Aude Stoppey se rappelle ainsi un élève balkanique qui refusait de vouvoyer l’enseignante et dont personne dans l’école n’a pu – ou voulu – faire façon. Un contre-exemple pour les profs et les médiateurs que nous avons interrogés: faire de l’école un espace dont les règles claires permettent d’éviter les provocations et de désamorcer les conflits, telle est la première condition pour des rapports harmonieux entre élèves de différentes origines.

A Zurich, ainsi, où un élève de l’école obligatoire sur dix est musulman, des congés supplémentaires sont accordés, à certaines dates, pour les fêtes religieuses. En revanche, on n’accorde pas de dispense pour les cours de natation mais il est possible d’y participer légèrement vêtu. Les demandes, précise Martin Wendelspiess, le responsable de la scolarité obligatoire, sont rares.

Dans le canton de Vaud, on favorise la souplesse: «Nous proposons un autre exercice aux élèves qui demandent une dispense», explique René-Luc Thévoz, médiateur et enseignant en classe d’accueil à Bex, ville qui héberge un centre de requérants d’asile et une importante population arrivée des Balkans. Le pari, pour lui, est «de donner au temps le temps de faire évoluer les choses». Mais surtout de prévenir les tensions: «Les élèves qui ont migré en cours de scolarité ont souvent un retard de formation qui les handicape. Si on ne leur donne pas les moyens de le rattraper, il est inévitable qu’ils se sentent discriminés et qu’ils manifestent une certaine agressivité.» Un effort appuyé est fait pour leur donner, en cinq ans au maximum, le moyen d’aligner leurs compétences sur celles de leurs condisciples.

Deuxième action préventive: un cours sur les migrations donné en première année de Cycle d’orientation – une occasion de sensibilisation mais aussi de discussion sur les questions qui peuvent fâcher.

«Il y a parfois des accrochages entre élèves, note de son côté Gérald Schoeni, enseignant au cycle de transition à Moudon, où un élève sur deux environ est étranger, mais les clivages ne sont pas forcément ethniques. Il faut désamorcer les provocations.» Et l’école n’est pas une île: «Des efforts ont été faits pour améliorer les choses en ville, il y a notamment un cercle Suisses-étrangers qui fait du bon travail. On sent la différence.»

L’écho du monde extérieur se manifeste-t-il aussi à l’occasion de la votation sur les minarets? A Zurich, note Martin Wendelspiess, «il est vrai que les propos ont parfois été vifs ces dernières semaines». Rien de tel à Moudon où, note Gérald Schoeni, «certains élèves musulmans connaissent si peu l’islam que c’est moi qui leur en apprends les origines dans le cours sur l’histoire du Moyen Age».