United Nations of Benetton. Le titre de la nouvelle campagne de publicité du photographe italien Oliviero Toscani s'impose de lui-même. Pour le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, l'organisation des Nations Unies a en effet eu l'idée - qui peut sembler saugrenue - d'en confier la promotion au colosse du textile italien Benetton, et en particulier à son très provocateur homme de communication. Prolongeant la campagne «Facce/Faces» créée pour la saison automne/hiver 1997 de Benetton, Oliviero Toscani présente sa formule pour l'ONU en deux parties: à gauche de l'affiche, huit portraits de jeunes enfants ou adolescents asiatiques, africains, européens, américains, qui servent en quelque sorte de cadre à un carré sur fond blanc sur lequel sont déclinés différents articles de la Déclaration universelle. A droite, un visage occupe tout l'espace avec, bien en évidence, le célèbre slogan du groupe de Trévise: «United Colors of Benetton».

Au moyen de posters, affichages dans les rues et sur les bus, dépliants et autres brochures, la campagne qui durera trois mois sera diffusée dans 62 pays à travers le monde, jusqu'à Hongkong, et devrait selon les estimations toucher près de 500 millions de personnes. Coût de l'opération: environ 40 millions de francs.

A l'origine de cette surprenante initiative, le représentant des Nations Unies en Italie, Staffan De Misura, a indiqué «que la campagne est née de la volonté de l'ONU de mettre en œuvre un programme de communication mondial, en mesure de rappeler à 480 millions de personnes quels sont les droits fondamentaux de l'individu, et que la défense de ces droits est une priorité pour tous les membres de l'ONU». Malgré les polémiques, parfois les censures qui ont accompagné les travaux d'Oliviero Toscani (notamment lorsque le photographe présenta un nouveau-né avec son cordon ombilical le reliant encore à sa mère, ou les vêtements couverts de sang d'un soldat croate mort au combat), l'ONU a ainsi estimé que Benetton, avec ses publicités qui ne laissent jamais indifférent, était le meilleur partenaire pour s'adresser au plus grand nombre, et en particulier aux jeunes.

«Nous avons choisi cet allié, a précisé Staffan De Misura, parce que ses campagnes ont toujours été courageuses, caractérisées par des thèmes à caractère universel. Elles sont devenues dans les dernières années l'expression de notre temps, capables par leur force d'attirer l'attention du public.» Au-delà, les responsables de l'ONU ont admis que sans l'apport financier de Benetton, les Nations Unies n'auraient jamais pu promouvoir une telle campagne. Et ceci malgré le don d'un milliard de dollars promis par le patron de CNN, Ted Turner.

Pour esquiver les critiques, l'ONU a toutefois tenu à faire figurer l'inscription suivante sur toutes les affiches: «L'utilisation du logo du 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme n'implique pas l'appui des Nations Unies à une quelconque société ou a ses produits.» Les responsables des Nations Unies ont par ailleurs fait savoir que l'Organisation ne s'associera jamais à des industries produisant des armes et du tabac.

De son côté, Oliviero Toscani, visiblement flatté de cette prestigieuse reconnaissance, a indiqué que la campagne ONU-Benetton représentait «un atlas de l'harmonie et de la grâce au-delà des lieux communs, au-delà des différences ethniques». Pour Toscani, «c'est une nouvelle étape de la recherche sur la race unique qui peuple notre planète, la race humaine». Interrogé sur une éventuelle utilisation de l'ONU au profit du chiffre d'affaires de Benetton, Toscani a, en substance, admis que l'opération pourrait favoriser les ventes du groupe de Trévise, mais il a tenu à souligner l'exigence éthique de son employeur: «Les 80% des produits Benetton sont fabriqués en Italie et non avec la main-d'œuvre du tiers monde», a-t-il par exemple fait savoir. «Les 20% restants sont produits dans le tiers monde, mais vendus sur place.» Quant à la politique de communication, depuis plusieurs années déjà la famille Benetton a choisi de «travailler en joint-venture» avec des associations non gouvernementales comme celle pour la lutte contre le sida ou comme SOS Racisme.

«J'espère que la campagne avec l'ONU sera un point de départ pour l'utilisation des investissements publicitaires en quelque chose de réellement utile», a indiqué celui qui, depuis des années, s'emploie à faire de la pub autrement, en se focalisant sur «les thèmes sociaux d'intérêt mondial comme la paix et la lutte contre le racisme». «Au fond, chaque image a un contenu socio-politique qui implique une responsabilité du photographe», a conclu Toscani.