CYBERPUB
Cette année, quelque 10 millions de francs seront investis dans la publicité sur Internet. Si les annonceurs restent encore peu nombreux à s'intéresser au multimédia, l'avenir s'annonce plus séduisant pour les créateurs de site
Selon la dernière étude Baromédia, 15% des Suisses surfent régulièrement sur le réseau mondial. Cette population commence à intéresser les publicitaires qui voient dans le Web de nouvelles possibilités de diffusion. Dans le monde, environ 500 millions de dollars ont été dépensés en 1997 dans la publicité sur Internet, en très large majorité aux Etats-Unis. Selon l'institut américain Forrester Research, ce montant devrait doubler cette année et atteindre près de 8 milliards de dollars en 2002.
Si les annonceurs suivent de près le marché du Web, c'est que l'impact d'une cyberpub est beaucoup plus important que celui d'une annonce dans un journal ou à la télévision. Il suffit en effet de cliquer sur ce qu'on appelle un «bandeau» pour en savoir plus sur un produit ou même l'acheter, tandis que la publicité traditionnelle ne représente qu'une première étape, éloignée de l'acte d'achat. «La pub Web ne s'applique pas à n'importe quel produit, pondère Daniel Decleyre de chez MMD, la filiale multimédia de Publigroupe (ex Publicitas). De plus, derrière un bandeau, il faut avoir un site à la hauteur qui fidélise les visiteurs ou les encourage à contacter directement l'entreprise.»
«Nous suivons l'évolution du marché de très près et nous planifions d'augmenter les dépenses dans ce secteur», explique Beat Burmann, responsable du marketing du groupe Crédit Suisse. La banque a placé des bandeaux sur les sites les plus fréquentés du pays pour faire connaître ses offres, notamment en matière de télébanking. Le Crédit Suisse cible ses cyberannonces à la clientèle Internet: principalement les cadres et les jeunes.
Malgré un public cible déjà intéressant, les sommes investies restent minimes par rapport aux supports publicitaires traditionnels. «Le budget annuel de la plus grande campagne ne dépasse pas 300 000 francs», reconnaît Silvana Tomasino de chez MMD. Des faibles montants expliqués par Beat Burmann du Crédit Suisse: «On ne sait pas où mettre de la pub. Il n'y a pas assez de sites spécialisés, par exemple dans le cybercommerce. D'autre part, la population des internautes n'est pas encore assez grande.» La croissance des dépenses dessine cependant une courbe à forte pente: les investissements publicitaires sur le Net en Suisse ont passé d'un demi-million de francs en 1996 à près de 3 millions en 1997. Cette année, on estime qu'ils se situeront entre 7 et 10 millions de francs.
Il existe plusieurs moyens de facturer la cyberpub. La société américaine DoubleClick s'est spécialisée dans la facturation «au clic»: l'annonceur verse environ 1 dollar chaque fois qu'un internaute appuie sur le bouton de sa souris. Ce système incite l'agence à faire le maximum pour déclencher ce geste rémunérateur. Les pubs DoubleClick se reconnaissent ainsi par leurs slogans irrésistibles: «Cliquer ici pour gagner un million de dollars» ou «Vous n'êtes qu'à un clic d'un voyage aux Seychelles», etc.
En Europe et surtout en Suisse, on préfère la tarification «à l'affichage» (views), c'est-à-dire en fonction du nombre de visualisations du bandeau. Cette technique ne force pas l'agence de publicité à faire de la surenchère par rapport à une offre. «Si une publicité est mauvaise, ce n'est pas notre faute, explique Silvana Tomasino. Du point de vue du vendeur d'espace, la facturation au clic s'adapte aux entreprises archiconnues comme Coca-Cola, mais pas au garagiste ou à la fiduciaire du coin.»
En Suisse, le tarif moyen est de 100 francs pour 1000 affichages. Chaque fois qu'une publicité apparaît, elle rapporte donc 10 centimes que se partagent le propriétaire du site et l'agence de placement. Si ce tarif est élevé par rapport aux autres pays (aux Etats-Unis, les 1000 affichages sont facturés 30 dollars), une campagne sur Internet reste encore relativement bon marché par rapport aux autres médias et compte tenu de son impact ciblé.
Pour certains sites, cette tarification se révèle cependant inadaptée. SwissQuote, qui donne accès aux cours boursiers en temps réel, reçoit par exemple près de 5 millions de visites par mois. Pourtant, le site touche une clientèle très restreinte d'investisseurs qui reviennent plusieurs dizaines de fois par jour. La publicité sur SwissQuote se paie donc au forfait: 2000 francs la semaine pour chaque bandeau. En tout, le serveur génère plus de 30 000 francs de revenu mensuel.
En Suisse, les sites de presse, les moteurs de recherche, les annuaires et les fournisseurs d'accès (Blue Window, Swiss Online, etc.) représentent les plates-formes publicitaires les plus intéressantes. Aux Etats-Unis, le marché se déplace vers les «portal sites» (portiques en français), c'est-à-dire les sites point de départ qui offrent de nombreux liens et services comme le commerce en ligne, les informations en direct ou le courrier électronique. Netscape mise par exemple sur son «portal site», baptisé Netcenter, pour retrouver les bénéfices, tandis que Yahoo et Microsoft ont chacun transformé leurs sites pour les adapter aux intérêts des internautes. La tendance va en effet à la personnalisation des sites. Une publicité ciblée en fonction d'un profil précis se paie évidemment beaucoup plus cher qu'un bandeau sur un site «généraliste».
En Suisse, aucun site n'est réellement rentable. Le marché local reste encore trop limité et la portée internationale faible, par rapport aux investissements. L'augmentation de l'offre et de la population des internautes changera rapidement cette situation.
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