Parce qu'ils y décèlent une forme de «voyeurisme auditif», certains auditeurs sont passablement agacés (ou trop émus) par La Ligne de cœur. Ils ne l'écoutent donc pas. Ou ne savent pas l'écouter. Car si Roselyne Fayard reconnaît elle-même que des «poubelles émotionnelles» débordent dans son émission, jamais pourtant leur contenu n'est méprisable. Pourquoi? Parce que l'animatrice, femme brillante, intuitive en diable, marathonienne de la communication humaine brute, directe, est une adepte de l'écoute active. Laquelle est une technique qui s'apprend, qui suppose compassion et empathie avec un être qu'elle s'efforce de respecter et – puisqu'on est à la radio – de faire respecter en tant… qu'être, simplement.
Avouez que ce n'est pas donné à tout le monde. Aussi La Ligne reste-t-elle l'émission de la Radio romande qui «colle» le plus à la personne qui la (sup)porte. Du point de vue de l'auditeur, rien n'est plus précieux. Rien n'est plus précieux que cette voix dans la nuit, jamais autoritaire, jamais moralisante. Mais toujours bonne conseillère – comme la nuit – même si elle ne donne pas… de conseils. «Il serait idiot de conseiller à quelqu'un de divorcer, martèle Roselyne. Bien mieux: il faut aider la personne qui souffre à trouver, en elle-même ou auprès d'autres, les ressources qui vont l'aider à avancer de son propre chef.»
Roselyne va manquer à beaucoup de solitaires, à beaucoup de ces chats gris dont le pelage «vibre» dès la tombée du jour. Laurent Voisin n'aura pas la tâche facile en reprenant ce flambeau radiophonique, même si ses premiers essais ont été impressionnants. Comme Bernard Pichon et Roselyne Fayard, il faudra qu'il impose son propre style, son estampille sur une émission plus que jamais nécessaire à ce fléau (cette pandémie?) de la société contemporaine qu'est la détresse morale.