Entre fusions et nouveau-nés, la presse helvétique n'en finit pas de se renouveler. Un jour après qu'Edipresse a lancé en France un magazine tout spécialement destiné aux hommes, Ringier propose Cashual, où la faute d'orthographe devient trait d'union entre Cash et «casuel». On l'aura compris, le mensuel est comme une émanation de Cash – offert à ses abonnés durant la première année. Pas de conclusion trop rapide, il n'est pas destiné en priorité aux femmes. Son nom est un gage pour profiter du marché du grand frère, où le mot «casual» devient pur prétexte. Car Cashual se veut plus élitaire que «casual», ne veut pas donner dans le «lifestyle magazine» mais imposer un concept novateur: la «cross culture».

Le terme recoupe deux idées pour Monica Glisenti, rédactrice responsable – mais non pas en chef – du magazine: varier les approches et montrer un style de vie contrasté. Selon l'ex-correspondante au Palais fédéral de Cash, l'hédoniste des années 90 se rend à l'opéra et finit sa soirée dans un bar de squatt. Par exemple. Ce n'est plus le choc des cultures et des milieux, mais leur entrecroisement qui est dans l'air du temps. Pour les plus privilégiés, faut-il comprendre. Ainsi, dans son premier numéro, elle a choisi de tirer le portrait de Pipilotti Rist, encadré par un reportage sur la Langstrasse – rue interlope de Zurich – et un dossier sur Genève, «capitale des jouisseurs» (sic!). On peut aussi traduire par «bons vivants»…

Pourquoi avoir choisi Genève comme première ville de ce qui inaugure une série? «Parce que, dans quelques années, Genève connaîtra un boum, une enquête du Crédit Suisse le prouve, nous répond Monica Glisenti. Elle sera à nouveau très intéressante. Et pour nous, elle n'est pas dans la Suisse, c'est un petit Paris.» Cashual ne veut pas se cantonner à la Confédération, mais s'ouvrir aux villes de l'étranger ainsi qu'aux personnalités intéressantes, qu'elles soient d'ici ou d'ailleurs. Sans frontières de genres: après Pipilotti Rist, ce sera un sportif qui aura droit au carnet central. Le sujet sur l'opératrice de l'Expo.01 est pensé sous la diversité des approches, avec des photos, un très long portrait, une intervention de l'artiste, un panorama de ses œuvres et une interview d'elle par l'écrivain Hugo Loetscher. «Nous voulons provoquer des rencontres, reprend Monica Glisenti, et demander des collaborations à des personnes qui ne sont pas journaliste. Pour conceptualiser le magazine, je me suis associée à un historien de l'art: je veux que tout soit soigné, beau et profond.»

«Depuis Cash en 1989, Ringier n'avait plus sorti de nouvelle publication, rappelle Markus Gisler, rédacteur en chef de l'hebdomadaire économique. C'est moi qui ai eu l'idée de

Cashual: son créneau de magazine haut de gamme, de culture et loisirs, est inoccupé en Suisse allemande. Nous visons aussi un public jeune, c'est pour cela que son prix est bas (3 francs, ndlr). Depuis la Swatch, un prix bas n'est plus associé à une mauvaise qualité.» Le mensuel, qui comptera huit numéros cette année, dont un double cet été, vise 80 000 exemplaires. Markus Gisler refuse d'évoquer son budget, mais parle publicité: «Nous visons la pub de luxe, la mode. Sur environ 150, nous aurons 30 pages de pub. Ce sera notre revenu principal. Pour cette année, nous espérons encaisser 2,4 millions grâce à la pub. Il y a beaucoup de possibilités sur le marché. Ringier, surtout en Suisse allemande, n'occupe pas le marché haut de gamme.» Quant à savoir si une telle publication destinée à la Suisse romande est envisagée, Marco Solari, patron chez Ringier, reste elliptique: «Toutes les options sont ouvertes», réplique-t-il.