CONCURRENCE
Avec l'arrivée de M6 sur le marché publicitaire romand, la Télévision romande parle de 10 à 12 millions de pertes et estime que la presse sera touchée. Son appel à l'union sacrée ne rencontre pas les échos escomptés, au contraire.
«J'estime que sur 10 francs de publicités récoltés par M6, 7 au moins auront été pris ailleurs, à la TSR c'est vrai, mais aussi à la presse, magazine notamment.» C'est ce que déclarait Gilles Marchand au Temps le 17 octobre.
Malgré la sonnette d'alarme tirée par le directeur de la TSR, les représentants de la presse romande semblent pourtant plutôt sereins. Ainsi, pour Gérard Geiger, directeur de Ringier Romandie, «parler de menace serait exagéré. L'arrivée de M6 sur le marché romand est un paramètre important, mais la presse écrite est au bénéfice de liens étroits de proximité et de rapports de confiance avec les annonceurs.»
Du côté d'Edipresse Suisse, Paul Miskiewicz, directeur des publications, lâche: «Bien sûr qu'à chaque fois qu'un nouvel acteur arrive sur le marché, il y en a moins pour les autres. Alors, est-ce que ce sera nous? Je ne sais pas. Je pense que la télévision va en souffrir un peu, mais la presse quotidienne en tout cas pas.»
Même son de cloche chez Audace Publishing qui édite les magazines Profil Femme et Tell et que dirige Eric Valette: «M6 va cibler très jeune. Le public de nos magazines ce sont les 30-40 ans, M6 ne constitue donc pas une concurrence directe. Pour l'instant nous n'observons aucun signe de report de budget de la part de nos partenaires. En effet, 80% de nos annonceurs sont des produits de standing et de prestige. Ceux qui risquent d'être séduit par M6 sont ceux des «massmarket», comme les lessives, qui travaillent beaucoup avec la télé.»
Georges Csernatony, membre de la direction générale de Publicitas, analyse, lui, la situation avec nuances: «Avec l'ouverture des fenêtres publicitaires des chaînes allemandes en Suisse alémanique, tout le monde a perdu, mais il est difficile de dire qui a perdu quoi. L'affichage, la télévision et la presse magazine chassent sur les mêmes terres. Pour l'instant, nous n'avons pas eu affaire à des annonceurs qui souhaitent changer leur stratégie. Les annonceurs sont très dynamiques et très réticents à la fois. Ainsi, avec Internet, ils n'ont pas suivi. Il est possible que l'offre de M6 ne séduise pas pleinement, même si leurs tarifs semblent très compétitifs. Les annonceurs potentiels de M6 et de la presse magazine ont souvent leurs sièges à l'étranger, les décisions ne sont pas prises en Suisse. Il suffit que le siège de l'un soit en France pour qu'il soit plus sensible à l'offre de M6.»
Cet autre cadre chez Publicitas avance carrément que «Gilles Marchand gonfle les chiffres de pertes potentielles. La TSR reste leader absolu sur son marché. En Suisse alémanique, malgré la présence des chaînes allemandes, SF DRS a finalement renforcé sa position et, sur le plan qualitatif, cette concurrence lui a fait du bien.»