Aujourd'hui, la Radio Suisse romande (RSR) fait ses auditions. Non qu'elle engage de nouvelles recrues, mais pour choisir la personne qui la dirigera au seuil de l'an 2000. A en croire la secrétaire générale Esther Jouhet, «il y a encore plusieurs candidats» en lice à la succession de Gérald Sapey, patron de l'ensemble de la RSR depuis 1992. Mais ils concourent dans «une absence d'intérêt totale et préoccupante de la part des employés», déplore un journaliste.
La procédure qui conduira à la désignation est la même que pour la TSR: le même directoire, composé de huit personnalités emmenées par le libéral neuchâtelois Jean Cavadini, tranchera, peut-être à la fin de cette semaine déjà s'il n'use pas de son délai statutaire, qui s'étend jusqu'au 28 août. Pourtant, les passions ne se déchaînent pas avec la même vigueur qu'à Genève, à la tour de la télévision. Sans doute parce que la personne désignée n'entrera en fonctions qu'à l'été 1999. Peut-être, aussi, parce que derrière les micros prédomine l'impression que «les jeux sont faits». En faveur de Gérard Tschopp.
Directeur de l'information – à des degrés divers – depuis 1984, ce dernier est le seul candidat déclaré. Les autres noms véhiculés par l'intarissable rumeur journalistique, entre autres la directrice de MIS Trend Marie-Hélène Miauton ou l'ancien rédacteur en chef de la Tribune de Genève Guy Mettan, confirment ne pas briguer ce poste. Et du côté du directoire, on garde le secret aussi bien qu'une certaine firme conserve la recette de sa boisson gazeuse. Pour «ne pas mettre de pression médiatique sur les membres».
Gérard après Gérald? Dans la maison, le scénario est donné gagnant, entre deux paris sur le prochain match du Mondial. Ce tandem a en effet travaillé de concert ces dernières années. A Gérald Sapey l'instauration d'une structure solide – voire «militaire», selon les points de vue; la création d'Option musique; la détente sur le front des radios locales et l'instauration d'un marketing plus actif. A Gérard Tschopp l'affirmation croissante, non sans grincements, de l'information; la mise en valeur de la tranche matinale du 5-9; la création, en 1989, des infopiles et celle, trois ans plus tard, de Forum, un bébé dont il se dit «très fier».
La succession semble donc limpide. Trop? On ne peut en effet exclure une nomination externe: après tout, ce fut le cas de M. Sapey, naguère éditeur de la Tribune de Genève. «Faut-il vraiment un journaliste à la tête de la maison?», s'interroge ainsi un autre. Avec la crainte de voir le nouveau directeur, dans le scénario Tschopp, «donner trop de gages» au reste de la maison pour se démarquer de son sérail d'origine. Plus ambigu, Gérald Sapey concède que le candidat doit avoir une maîtrise du programme, mais «plus encore une dimension managériale», quitte à scinder les deux responsabilités.
Du pain sur la planche
Quoiqu'il en soit, la personne désignée aura du pain sur la planche. Ce navire de 600 employés, au budget de près de 85 millions de francs, se trouve en effet confronté à des mutations rapides. D'abord, la nécessaire adaptation du personnel aux technologies et aux nouvelles méthodes de travail. Pour y parvenir, affirment les responsables de la maison, il faut modifier le statut des employés.
Ceux-ci ont cependant contesté avec vigueur une nouvelle convention collective présentée en novembre dernier, qui prévoyait un salaire fixe, bloqué après trois ans et plafonné à 102 000 francs par année, soit une baisse de 15% sur les perspectives salariales prévues par l'ancienne CC. D'où une grogne durable chez les journalistes, accrue par la récente nomination d'un nouveau rédacteur en chef – imposé par M. Tschopp, justement. Et comme les subsides publics de «l'entreprise SSR» demeurent plafonnés, occasionnant d'inexorables réductions dans les charges salariales, la situation n'est pas près de s'arranger.
D'autant que les investissements consentis en matière de technologie sont lourds. Développement de la radio numérique (le DAB), domestication d'Internet et maîtrise d'autres supports électroniques sont d'ores et déjà inscrits à l'agenda. Il reste à parachever la mue informatique et, surtout, à inventer les services que la RSR de demain devra fournir à ses auditeurs.
La politique, enfin, constituera l'autre casserole – et pas la moindre – dont héritera la personne désignée. Entre les attaques parlementaires contre la SSR et les divisions internes de celle-ci, notamment entre Romands et Alémaniques autour de la redevance, la tâche sera rude. «La RSR devra se défendre bec et ongles», lance, de Berne, le conseiller national Jean-Charles Simon, ancien directeur de La Première. Tout en montrant patte blanche dans les régions, principal enjeu d'audience mais source d'alliances ambiguës avec les stations privées. Autant de questions qui seront posées aujourd'hui aux candidats, à défaut d'être débattues à la cafétéria de l'avenue du Temple.